On fait la rencontre de David au top de son dépit. Dans une chambre d’hôtel, ce trentenaire empoté vient de se faire larguer par un sombre mec laissé hors-champ. David le supplie, s’agenouille devant la salle de bain où s’est réfugié sont ex-amant. Filmée caméra à l’épaule, dans un tremblement nerveux, la séquence est comme un morceau d’intimité volée à l’arrachée. Pas à l’insu de son personnage, plutôt avec sa complicité. Car le premier film de Iair Said (qui campe aussi son personnage principal) est un hommage tendre aux désaxés, à ceux qui, de leur position périphérique et marginale, voient mieux le monde que les vainqueurs.
David, c’est d’abord un corps loufoque, pataud, qu’on croirait sorti d’une comédie des frères Farrelly. C’est aussi une identité contrariée : juif-argentin, gay, à la fois enfant prodige et encombrant d’une famille sur le point de perdre son patriarche hospitalisé. Dans l’attente de cette mort qui ne vient pas, que chacun attend comme un soulagement sans se l’avouer, le film prend le parti-pris du rire sardonique. Les aventures de David – il se retrouve enfermé dehors en slip et squatte l’appart du voisin sexy, atterrit dans une soirée où il refusera un baiser pourtant attendu – sont une série de déconvenues tragi-comiques, filmées avec un sens du découpage ubuesque, des répliques amères.
David semble avoir lui-même provoqué ces petites désillusions, comme si le bonheur était trop bien pour lui. A l’image de la mise en scène, bourrée de ruptures de ton, David est à la fois pathétique et sublime – mais jamais regardé avec dolorisme ou pitié. Et il nous rappelle qu’à tout âge, on a le droit de manger des hamburgers sur le parking d’un fast-food craignos, avant d’aller affronter le monde adulte qui fait si peur.
Le Festival de Cannes se tiendra cette année du 14 au 25 mai 2023.
Image : © Campo Cine