« Borgo » de Stéphane Demoustier : voyage au bout de l’enfer corse

[Critique] Stéphane Demoustier s’inspire de faits réels ayant défrayé la chronique en Corse pour livrer un polar sensible et atypique. L’époustouflante Hafsia Herzi incarne une surveillante de prison qui rêve de transgression, au risque de se brûler les ailes.


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Après avoir marqué les esprits en 2020 avec La Fille au bracelet, film de procès qui créait une atmosphère d’indécision autour de son héroïne, Stéphane Demoustier passe à l’échelle supérieure en se confrontant directement au polar et en racontant un engrenage criminel lui aussi centré sur les secrets d’une jeune femme. Inspiré de faits réels – un double assassinat survenu en 2017 au sein du banditisme corse –, le film suit ainsi les pas de Melissa (Hafsia Herzi), surveillante pénitentiaire d’une trentaine d’années tout juste installée en Corse avec mari et enfants.

Affectée à l’unité 2 de la prison de Borgo, qui a pour spécificité des détenus autorisés à imposer certaines exigences, cette matonne voit d’abord sa tâche facilitée par un jeune prisonnier corse qui la place sous sa protection… Assumant une large part de fiction, le cinéaste se passionne pour le portrait de cette héroïne ambivalente dont l’autorité – familiale, professionnelle, sentimentale – est mise à rude épreuve et dont la marge de manœuvre se réduit peu à peu. Stéphane Demoustier habille au passage son récit d’une ingénieuse structure temporelle qui alterne séquences d’enquête, lors desquelles un duo de policiers (Michel Fau et Pablo Pauly) investigue de façon molle et légèrement comique, et moments nettement plus brûlants qui décortiquent les transgressions morales de Melissa.

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Ce thriller à la fois carcéral et solaire déploie une ample mise en scène qui expose la difficulté de chaque individu à se forger une place satisfaisante au cœur de cette microsociété insulaire. Face aux projections fantasmatiques et au désir inavoué de se rapprocher de ce qu’elle croit être une forme de paradis, Melissa va prendre le risque de se perdre. Dans ce rôle fascinant, Hafsia Herzi se révèle (comme dans le récent Le Ravissement) épatante par sa capacité à faire basculer imperceptiblement son personnage de l’apparente tranquillité au frisson tragique le plus poignant.

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Borgo de Stéphane Demoustier, Le Pacte (1 h 58), sortie le 17 avril.