Archive : le court « Escape to Nowhere » de Steven Spielberg 

Méta, sensible, autobiographique, « The Fabelmans » met en scène, dans une séquence bien vitaminée, le tournage d’« Escape to Nowhere », le tout premier film du grand Steven Spielberg – un court réalisé alors qu’il n’avait que quatorze ans, avec ses copains. On a retrouvé les images du vrai film, fauché mais déjà très ambitieux.


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Dans The Fabelmans, le film le plus autobiographique et intimiste de sa filmographie, Steven Spielberg raconte son enfance à travers un alter-ego fictif, Samy Fabelman. Dans une séquence du film, ce dernier tourne à l’aide de ses amis scouts Escape to Nowhere, un court-métrage inspiré par les récits sur la Seconde Guerre mondiale racontés par son père.  

Ce tournage – alerte, grosse mise en abyme – n’est autre qu’une reconstitution du travail que Spielberg a lui-même réalisé à l’âge de 14 ans (il en a désormais 76). La réalisation de ce court-métrage est donc, pour Spielberg comme pour son double fictif, un point de départ essentiel dans sa cinéphilie, une expérience matricielle. C’est sans doute pour cette raison que Spielberg a d’ailleurs décidé de démarrer le tournage de The Fabelmans par cette reconstitution, comme l’explique cet article d’Empire, plongeant Gabriel Labelle (qui interprète Samy Fabelman) dans ce qui fut pour lui un moment charnière. 

Avec ce tout premier film, le tout jeune Spielberg nous emmène dans les territoires désertiques de l’Arizona (état qu’il connaît comme sa poche, puisqu’il y a passé une partie de son enfance et de son adolescence), transformés en champs de bataille, à l’aide d’une caméra 8mm. Donnant à son court-métrage un aspect documentaire, il met en scène des soldats qui s’entretuent sur fond de La chevauchée des Valkyries de Richard Wagner – une façon pour le cinéaste d’explorer déjà ses ambitions formelles.

Dans une interview au Figaro, Spielberg a confié être « un enfant de la guerre », et avoir grandi avec les souvenirs de bataille relatés par son père et ses amis, tous anciens combattants. Un environnement qui a très tôt fait émerger en lui cette idée, déterminante dans son cinéma : les conflits donnent naissance aux héros.

Ce clin d’œil à sa propre (et précoce) filmo dans The Fabelmans évoque forcément deux de ses éminents chefs-d’œuvre, qui reprennent l’approche semi-documentaire et le recours à la caméra portée d’Escape to Nowhere : La Liste de Schindler, sorti en 1993, et Il faut sauver le soldat Ryan, sorti en 1998 (le court-métrage, réalisé trente-sept ans auparavant, fut montré aux acteurs pendant le tournage du film, comme le rappelle le média Entertainment). Mettant en avant l’énergie fiévreuse et le penchant obsessionnel cinéaste, cette reconstitution, malgré sa part forcément fantasmée, est une preuve que le jeune trublion Fabelman et le vieux sage Spielberg sont en réalité une seule et même personne.