C’est le film qui a tout changé pour , le plus autobiographique de sa carrière. L’histoire de Frank Carveth, luttant pour obtenir la garde de sa fille et la protéger de son ex-épouse instable prise dans les filets d’une secte, il l’a vécue. Quoi de plus naturel, et peut-être de plus cathartique, que de transformer cette expérience de terreur intime en séance de terreur collective ? Dans Chromosome 3, le gourou est un inquiétant psychiatre, le docteur Hal Raglan (Oliver Reed), qui prétend avoir inventé une thérapie révolutionnaire appelée psychoprotoplasmie.
La première scène du film sert d’initiation : dans un auditorium plongé dans la pénombre, Raglan donne une démonstration de sa méthode pour un public captif (tiens, comme nous devant notre écran). Accroupi face à un patient, il se met dans le rôle du père abusif de celui-ci, rejouant les humiliations avec une implacable conviction. Un champ-contrechamp clinique laisse place à un mouvement d’appareil lourd de menace, menant l’échange à son point de rupture. « Je n’arrive pas à parler », articule le patient à bout de nerfs. « Ne dis rien, montre-moi », triomphe le savant. Alors l’homme arrache sa chemise, révélant des pustules qui grossissent à vue d’œil sur sa peau.
Cronenberg vient d’énoncer, par une analogie virtuose, sa propre méthode de cinéaste. Comme Chromosome 3, Vidéodrome, La Mouche ou eXistenZ allaient reprendre les préceptes de la psychoprotoplasmie : des films dans lesquels les dérèglements de l’esprit se transmettent à la matière, les pensées indicibles soumettent la chair à d’effroyables mutations. Il faut croire Cronenberg quand il dit que Chromosome 3 est « plus réaliste que Kramer contre Kramer ». Seules les extrapolations grotesques du cinéma d’horreur pouvaient rendre compte précisément, en profondeur, de la nature de son divorce. Il fallait le voir pour le croire.
Chromosome 3 de David Cronenberg (Capricci Films, 1 h 32), ressortie le 3 novembre