Pour son premier long métrage, Nehir Tuna offre une réflexion sociale sur la Turquie des années 1990, alors en pleine tension politique entre religieux et laïques. Cette fracture sociétale est incarnée par le personnage du jeune Ahmet, qui vit secrètement dans un pensionnat religieux sévère le soir (appelé « yurt », qui signifie également « pays ») tout en continuant à fréquenter une école laïque nationaliste le jour. Ce terrain politique permet à Nehir Tuna de développer une réflexion plus générale sur l’adolescence et son esprit marginal.
Les deux systèmes autoritaires qui écrasent simultanément Ahmet ne pourront empêcher la multitude de petites libertés qu’il réussit à s’octroyer par la dissimulation – grand thème du film –, comme cacher les cigarettes qu’il fume sur le toit, les cassettes d’Antonio Vivaldi qu’il écoute aux toilettes, jusqu’à l’amour naissant – écrit avec une subtilité et une force remarquables – entre lui et un autre pensionnaire.
Porté par une volonté esthétique forte, le film représente l’obsession de l’ordre au sein du pensionnat par un noir et blanc léché, qui ne dévoile son caractère oppressif que lors d’un passage à la couleur, libérateur et sublime, qui accompagne l’escapade du couple d’amis.
Yurt de Nehir Tuna, Dulac (1 h 56), sortie le 3 avril.