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LA SEXTAPE · « Mademoiselle » de Tony Richardson

  • Quentin Grosset
  • 2023-04-11

On a sondé John Waters sur sa scène de sexe préférée. Il nous a parlé de « Mademoiselle » de Tony Richardson, écrit par Jean Genet, où Jeanne Moreau en institutrice perverse allume des feux juste pour voir un bel Italien porter secours aux villageois et mater ses muscles saillants rougir dans les brasiers.

Pendant notre première interview avec John Waters, en 2019, il nous avait parlé de sa rencontre avec Jeanne Moreau à la projection de son film A Dirty Shame en 2005. « J’étais ultra nerveux et j’ai sorti : “Euh, on a eu quelques problèmes de censure.” » Là, elle m’a répondu : “Pourquoi? C’est de la poésie.” » L’actrice voulait sûrement parler des impressions bizarres que l’on ressent parfois devant les films de Waters. Et c’est bien ce que l’on éprouve devant Mademoiselle, un sommet de perversité. Moreau y interprète une institutrice qui commet toutes sortes de méfaits incognito, puisqu’elle sait bien, vu la xénophobie qui règne dans son village, que l’on accusera le bûcheron italien, Manou, qu’elle désire sèchement.

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L’air de rien, elle le regarde sauver des gens dans les incendies qu’elle provoque. Elle ressemble un peu à la serial mom de Waters qui elle aussi commet des crimes sans être inquiétée, son statut de mère de famille parfaite la protégeant. À mesure que ses attentats s’intensifient, la tension sexuelle entre elle et le bûcheron grandit. Lors d’une de leurs premières rencontres clandestines dans la forêt, tout est dans le non-dit, le symbole phallique. Mademoiselle est toute raidie, sans expression, tandis que, dans un contrechamp subjectif, elle regarde le bûcheron manipuler sa grosse tronçonneuse. Il lui parle de son fils, qu’elle a en classe, et on voit bien qu’elle ne l’écoute pas. La caméra isole, fétichise une partie du corps de l’Italien, son bas-ventre. Les bruits de hache et des animaux de la forêt créent une sensualité étrange, biscornue. Il retire un peu son tee-shirt. « La puttanella », dit-il, découvrant une vipère logée au-dessus de sa ceinture.

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Retour sur le visage de Mademoiselle, toujours plus pincé, bien que l’on sente le feu qui monte en elle. Le serpent s’entortille autour des mains viriles de Manou. « Vous avez peur ? » lui demande-t-il. « Vous avez tort, il est gentil », ajoute-t-il, comme une invitation. « Touchez. » La ride du lion de Mademoiselle se plisse, elle n’en peut plus. Alors, très doucement, il lui prend la main, et elle touche tout à la fois son sexe, le danger, la tentation, le crime. Elle reste coite. « C’est la première fois que nous nous voyons », lui dit Manou. On sait déjà que ce ne sera pas la dernière.

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