Armageddon Time de James Gray (2022)
James Gray abandonne les étoiles d’Ad Astra (2019) pour retourner dans le Queens des eighties, sous l’aire Reagan, alors qu’il n’était qu’un petit garçon turbulent. Dans un grand geste mélancolique, il nous conte le point de bascule idéologique délétère qui a mené au trumpisme, à travers un armageddon intime, son amitié impossible avec un pré-adolescent noir. Armageddon Time est un film de fantômes, un film politique qui serre le cœur, comme le souvenir furtif d’une mère qui ferme la porte de notre chambre. Déchirant.
Invasion de Kiyoshi Kurosawa (2017)
Le film part de presque rien, d’une sensation un brin paranoïaque. Une femme rentre chez elle et s’inquiète de voir son mari « ailleurs » puis c’est au tour de son patron de sembler fantomatique. Quel est ce mal qui se répand ? Le réalisateur de Creepy et Shokusai sait créer de l’étrange et de la tension sans effets spéciaux, simplement avec le sens du détail. Variation de son précédent récit d’invasion extraterrestre, Avant que nous disparaissions, Invasion est une œuvre de science-fiction atmosphérique, cérébrale et pleine de mystère qui interroge notre capacité à nous connecter les uns aux autres.
Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi (2022)
convoque ses souvenirs de jeunesse au théâtre de Nanterre dans les années 1980, une époque bénie qu’elle célèbre avec lucidité, et livre son plus grand film à ce jour. Les Amandiers est tout à la fois un film de troupe mythique, l’histoire d’un amour de jeunesse incandescent et tragique, la mise en abyme de Platonov et le récit impressionniste d’une époque où l’on se croyait invincibles, avant d’être frappés en plein cœur par le Sida. Le film va et vient avec urgence et désinvolture et nous livre, en creux, une réflexion profonde sur le jeu d’acteur. C’est terrassant.
The Square de Ruben Östlund (2017)
Palme d’or 2017, The Square est une machine redoutable qui transforme le malaise en or. L’objet d »étude de cette satire sur l’individualisme et la perte des valeurs collectives s’appelle Christian. Il est un conservateur de musée sexy, cool, engagé et à travers lui, c’est toute la bonne conscience dégoulinante d’une bourgeoisie qui roule en voiture électrique et s’enthousiasme devant des œuvres d’art que Ruben Östlund vise – au lance-flammes. Il faut voir le cinéaste suédois comme un Molière post Haneke. Il n’a jamais peur de forcer le trait si cela sert la farce. Dans ce jeu de massacre ludique, une séquence sidérante, dite « du singe » hante encore des années après, et l’on en retrouve un écho puissant dans (2022).
Apollo 10 1/2 : Les Fusées de mon enfance de Richard Linklater (2021)
Richard Linklater est un grand cinéaste du temps. On lui doit Boyhood et le cultissime Dazed and Confused. Dans ce film tourné en rotoscopie, il se peint en gamin de Houston qui doit partir en mission sur la Lune. Le voyage galactique dévie très vite de sa trajectoire à la vanille vers une épopée intime bouleversante et critique qui nous replonge dans l’Amérique irréelle des sixties. Une fresque pop, poétique et universelle à voir en dégustant un sachet de Fritos.
Yellowjackets, saison 2 de Bart Nickerson et Ashley Lyle (série, 2023)
On avait hâte de retrouver les membres de l’équipe de soccer féminine décimée par un crash d’avion. La saison 2 navigue entre l’année de l’accident, 1996, lorsqu’elles étaient encore lycéennes, et aujourd’hui, alors qu’elles sont devenues des quadra dysfonctionnelles. Le casting est dément : Juliette Lewis, Christina Ricci, Melanie Lynskey, Tawny Cypress… L’écriture maligne, l’enthousiasme intact. Plongée dans un cauchemar post traumatique sauvage sur fond de cannibalisme, entre Lost et Sa majesté des mouches.
