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SCÈNE CULTE : « The Host » de Bong Joon-Ho
- Michaël Patin
- 2023-02-20
Le film débute comme un thriller environnemental, avec son laboratoire secret et ses produits chimiques ; puis il dévie vers la chronique sociale, avec le suicide d’un PDG ; puis il se change en comédie autour de la truculente famille Park ; et puis le monstre fait son entrée… Si le mélange des genres est l’apanage du cinéma coréen des années 2000, « The Host », qui ressort en salles le 8 mars, en est le manifeste le plus survolté.
La scène
Employé du snack familial situé au bord de la rivière Han, à Séoul, Park Gang-du (Song Kang-ho) apporte un calamar grillé à un client. Un attroupement se forme : les badauds ont aperçu une forme étrange suspendue sous un pont. « Il y a une bête là-bas », dit l’un. « C’est un élément de construction », dit l’autre. Quelques secondes plus tard, la créature – un mutant aquatique géant – commence à massacrer tout ce qui bouge. Pour les Park, plus rien ne sera comme avant.
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Douze minutes. C’est le temps que tient Bong Joon-ho avant de dévoiler sa créature. Pour un film de trouille, c’est peu, connaissant la chute de tension qui survient quand on identifie l’objet de notre peur. Mais, dans le cas de The Host, qui change de registre trois fois par scène, c’est beaucoup. On a déjà eu le temps de s’attacher à la famille Park, en particulier à Park Gang-du, un trentenaire à la masse qui élève seul sa fille. La scène a lieu en pleine journée : un champ-contrechamp alterne entre les badauds interloqués et la bête, que l’on distingue de mieux en mieux. Quand celle-ci plonge dans la rivière, Park Gang-du prend la décision idiote de jeter une canette dans sa direction. Un tentacule émerge pour s’en saisir. Ravis, les clients l’imitent et balancent leur pique-nique – un plan fixe qui s’étire en longueur. Puis le visage de Park Gang-du se fige : sur la rive, le monstre approche à toute vitesse. Propulsée en arrière avec la foule, la caméra se met au rythme du chaos, jusqu’au moment où Hyun-seo, la fille de Gang-du, est emportée au fond de l’eau. Il y aura donc aussi des larmes dans ce film, aussi mutant que la créature qui lui sert de totem.
The Host de Bong Joon-ho, The Jokers / Les Bookmakers (2 h), ressortie le 8 mars