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Nathalie Granger de Marguerite Duras

  • Timé Zoppé
  • 2016-07-09

Si l’on en croit son bulletin scolaire, Nathalie Granger est une « enfant très difficile ». Faut-il l’envoyer en pension ? En attendant d’en décider, sa mère (Lucia Bosè) et une amie (Jeanne Moreau) déambulent dans la maison, réfléchissent, allument un feu dans le jardin. À plusieurs reprises, la radio raconte que deux jeunes tueurs ont été aperçus dans la région. Au tiers du film, alors que les deux femmes songent stoïquement dans le salon, un inconnu en costume noir débarque. Gérard Depardieu, dans la fraîcheur de ses 24 ans, incarne ce représentant timide dont Duras réduit la stature imposante en le plaçant dans un plan saturé d’objets grossis par la perspective. Une fois assis, il tente péniblement de vendre une machine à laver à ses hôtes, sous leur regard profondément sceptique. Jeanne Moreau assène soudain d’une voix blanche : « Vous n’êtes pas voyageur de commerce », puis ne cesse de répéter cette sentence. L’inconnu se décompose à vue d’œil mais s’évertue à dérouler son discours. Si le prosaïsme de sa présentation contraste avec l’atmosphère méditative du film, c’est surtout le corps de l’acteur, avec ses gestes nerveux, sa diction pressée et ses regards fous, qui apporte un vigoureux contrepoint à l’inertie des deux amies. L’hilarante joute verbale s’étale sur dix minutes ; l’homme se laisse plus ou moins convaincre puis s’éclipse. Est-il l’un des tueurs recherchés ? La question reste en suspens. Depardieu, lui, vient de brillamment amorcer sa carrière.

Rétrospective Gérard Depardieu
jusqu’au 27 février à la Cinémathèque française

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