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SCÈNE CULTE · « Cours, Lola » de Tom Tykwer
- Quentin Grosset
- 2024-07-15
C’est le film techno par excellence, qui fête ses 25 ans cette année. Dans « Cours, Lola », cours de Tom Tykwer, l’héroïne (Franka Potente) est lancée dans une course frénétique à travers Berlin pour aider son boyfriend à retrouver l’argent qu’il doit à un méchant dealer. On revient sur l’urgence de la séquence de début, celle dans laquelle Lola s’élance.
LA SCÈNE
Lola sort de sa chambre en trombe. Elle court vers les escaliers en passant devant sa mère, qui est au téléphone. Sur l’écran de sa télé, on voit un dessin animé représentant Lola dévalant les marches. Elle crie, surprise de voir un gars qui zone avec un chien inquiétant, et passe devant alors qu’il est prêt à lui aboyer dessus. Elle franchit la porte et redevient la Lola de chair et d’os du début. Fonçant dans Berlin à toute allure, elle bouscule une dame promenant un enfant dans une poussette. Lola poursuit sa route, allant encore plus vite que le métro à côté duquel elle court.
L’ANALYSE DE SCÈNE
Dans Cours, Lola, cours, cette scène, on la verra trois fois. La première introduit un segment qui aboutit à une tragédie : Lola meurt, abattue par la police. Game over. La deuxième, encore pas top : c’est son mec qui finit écrasé par une ambulance. La troisième sera la bonne : Lola remporte la mise au casino. You win. Dans le film, Tom Tykwer use d’une narration vidéoludique pour explorer l’idée des possibles, nous donnant accès à tout ce qui existe en puissance chez Lola.
Lancée dans une course folle en Dr. Martens, l’héroïne fera des choix, aussi contingents paraissent-ils, qui changeront la donne. Cette scène d’intro du film nous place d’emblée dans un stress immense, Lola n’a juste pas le temps de réfléchir. À la hâte dans l’escalier, les yeux révulsés, Lola devient alors ce personnage survitaminé de dessin animé pour kids qui ont pris trop de sucre, ou pour raveurs qui rentrent d’after techno. Mi-vertigineux à l’Alfred Hitchcock, mi-surchargé à la MTV, l’escalier devient une spirale, une hallu.
Lola n’en sort même pas essoufflée (pourtant, pendant le tournage, Franka Potente en était à deux paquets de clopes par jour), regardant droit devant elle, accompagnée par une série de travellings qui n’arrivent pas à la suivre. La caméra pressée de Tykwer joue sur des effets de pause, de latence, même de divagation, comme lorsqu’elle s’arrête sur cette dame percutée par Lola. Une série de photos random de la vie de ce personnage plus que secondaire défile alors à l’écran, comme autant d’instants insignifiants, parfois cringe, qui peuvent changer la face du monde. Mais peut-être qu’il faut être sous ecsta pour les voir.
Image : © DR