« Riverboom » : un docu protéiforme qui va droit au cœur  

[CRITIQUE] Ce documentaire suisse original suit le voyage de deux journalistes intrépides et d’un typographe paumé à travers l’Afghanistan en 2002. Derrière la photographie géopolitique d’un pays au bord du gouffre et un humour débordant se cache en réalité un périple intime très émouvant.


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C’est l’histoire de trois pieds nickelés en voyage dans l’un des pays les plus dangereux du monde. Serge, journaliste suisse obsédé par son travail, Paolo, photographe intrépide qui ne jure que par le noir, le blanc et le culot, et Claude. Ce dernier, typographe romand, n’a rien à faire là, mais rien d’autre à faire non plus, perdu comme il l’est depuis la mort de ses parents. Nous sommes en Afghanistan, en 2002, un an après l’attaque du 11-Septembre, alors que l’intervention américaine fait renaître l’espoir d’une ouverture de la société, mais que l’instabilité reste grande.

Serge et Paolo travaillent pour Le Figaro. Claude, armé d’une fausse carte de presse, filme leur périple. On pourrait s’attendre à une litanie de malheurs. Mais Riverboom est un documentaire à contre-courant et préfère l’absurdité. Absurdité de l’attente dans les bureaux des chefs de guerre, absurdité des bandits qui dorment dans leur voiture avec leurs moutons volés, absurdité des motifs des chaussettes de Serge.

S’il n’en oublie pas, en filigrane, de raconter l’histoire tumultueuse de l’Afghanistan et des ingérences étrangères qui l’ont précipité dans le chaos, le film est un hilarant patchwork de situations burlesques. Entre les disputes des trois protagonistes serrés dans une voiture cabossée et les arrêts sur image avec schéma, effets sonores et voix off pour comprendre toutes les inimitiés entre seigneurs locaux, Riverboom est d’un enthousiasme communicatif.

On pourrait néanmoins se demander quel est l’objet d’un tel film vingt ans après. D’abord, Claude Baechtold n’aurait pu faire plus vite, recherchant tous ses rushs (perdus) pendant des années. Mais la véritable raison se révèle lorsque les trois compères croisent cette fameuse rivière Boom. Lorsque la nuit s’éternise, que les cauchemars reviennent et qu’il faut choisir de se laisser emporter par la crue ou de sortir la tête de l’eau une bonne fois pour toutes.

Riverboom n’est ni l’histoire d’une partie du monde ni le making of d’un reportage, mais bien la preuve qu’un pays et des amis peuvent sauver un homme et apaiser ses angoisses. C’est lorsqu’il embrasse pleinement la dimension intime de son œuvre que Claude Baechtold convainc le plus.

Riverboom de Claude Baechtold, Zinc. (1 h 39), sortie le 25 septembre