- Cannes 2021
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« Rien à foutre » de Julie Lecoustre et Emmanuel Marre : vol plané
- Joséphine Leroy
- 2021-07-12
Propulsée dans les airs par les cinéastes Julie Lecoustre et Emmanuel Marre, Adèle Exarchopoulos tient impeccablement le cap dans « Rien à foutre », leur premier long, qui nous immerge dans le quotidien d’une jeune hôtesse de l’air dont l’apparente désinvolture dissimule de grandes fêlures.
Quand on a découvert son court Le Film de l’été en 2017, road trip qui nous balade sur les autoroutes françaises en été et raconte la relation touchante qui se tisse entre un adulte et un enfant, on a tout suite adoré la patte Emmanuel Marre – avec sensibilité mais sans mièvrerie, il réussissait à capturer les aspirations et fractures de notre génération désenchantée. Il perfectionne sa méthode grâce au regard de Julie Lecoustre, scénariste qui coréalise avec lui ce premier long. Cette fois-ci, ça se passe non plus sur une aire d’autoroute paumée (Le Film de l’été) ou dans un appartement parisien tristoune (comme dans son autre court D’un château l’autre, réalisé en 2018), mais dans l’immensité du ciel.
Le film raconte l’histoire d’une hôtesse de l’air à la fois fêtarde et sérieuse dans son travail – elle bosse dans une compagnie low cost qui, tout en vendant de luxueux rêves d’évasion à ses clients, cache un protocole professionnel si strict qu’il en est parfois glaçant.
Adèle Exarchopoulos : « Je suis parfois plus sincère dans mes choix de films qu’en interview »
Lire l'entretienUniforme bleu et jaune ultra moulant, rouge à lèvres obligatoirement accordé au vernis, sourire figé… Adèle Exarchopoulos incarne avec une justesse impressionnante Cassandre, qui trouve dans cette vie nomade la raison idéale pour fuir ses propres souvenirs.
Evitant l’esthétique carte postale aussi bien que le drame social lourd, le film prête juste attention à ces filles de passage pas forcément malheureuses, mais qu’on oublie facilement au détour des couloirs d’un aéroport ou à la descente d’un avion. Car même si Cassandre s’abandonne entre deux escales aux soirées alcoolisées, aux coups d’un soir ou aux moments d’ennui, les cinéastes n’associent jamais ce mode de vie particulier (qui alterne tout le temps entre contrôle absolu de soi et lâcher-prise) au mal-être.
Julie Lecoustre, co-réalisatrice de « Rien à foutre » : «On a réalisé que les hôtesses de l'air fuyaient toutes quelque chose : une rupture, un deuil... »
Lire l'entretienIls ne détournent pas pour autant le regard sur les raisons qui ont amené Cassandre à choisir cette voie. La dernière partie du film donne encore plus d’épaisseur au personnage en lui imposant un repos au sol, plus précisément en Belgique, où elle retrouve sa famille. Tout en décompression, ce chapitre conclut parfaitement ce voyage aérien qui sait trouver le juste dosage entre légèreté, exaltation et mélancolie.