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Rebecca Zlotowski : « Il y a un cimetière de films féministes américains »

  • Joséphine Leroy
  • 2024-06-10

Présidente du jury Longs Métrages du Champs-Élysées Film Festival, vitrine du cinéma indépendant américain et hexagonal, la réalisatrice et scénariste française ( « Une fille facile », 2019 ; « Les Enfants des autres », 2022) a toujours su renouveler les récits, les représentations. Parce qu’on connaît son immense appétit cinéphile, on lui a soumis ce questionnaire spécial U.S. Résultat : une filmothèque de rêve (américain).

3 actrices américaines qui vous scotchent ?

C’est une torture ce questionnaire pour les gens superlatifs comme moi, à l’amour extensible. Se limiter à trois, c’est dur. J’ai une tendresse pour Jill Clayburgh, inoubliable dans Une femme libre de Paul Mazursky ou La luna de Bernardo Bertolucci. Et puis il y a les actrices absolument incontournables pour moi que sont Jodie Foster, pour l’intégralité de ce qu’elle est, sur le fond et la forme. Linda Fiorentino, que j’ai découverte dans Last Seduction [John Dahl, ndlr], avec sa féminité abrasive qui joue sur les codes de la garce fatale, et pour le mystère qui plane sur la deuxième partie de sa carrière, après Men in Black, dont elle n’a pas fait les sequels. C’est une femme qui a imposé son refus du cinéma tel qu’on lui proposait, qui refusait les retouches sur les affiches… Une vraie badass. Et je suis désolée, mais impossible de ne pas citer deux actrices qui me renversent : Julia Louis-Dreyfus et Maya Rudolph.

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3 films féministes qui ont chamboulé le cinéma américain ?

Il y a un cimetière de films féministes américains, même si, du point de vue du cinéma expérimental, de sacrés jalons ont été posés par Maya Deren, Laura Mulvey ou Barbara Hammer – dont le film Audience m’a marquée. Cette dernière y retourne la caméra vers son public, dans le San Francisco du début des années 1980. Le projet est d’une générosité simple et brillante. Dans un champ plus mainstream, c’est rageant de voir comment les carrières de nombreuses réalisatrices aux États-Unis ont explosé en vol jusqu’aux années 1990-2000, faute de soutien financier ou critique alors que leurs premiers ou deuxièmes films étaient géniaux. Girlfriends de Claudia Weill, un film drôle et tendre sur des personnages en crise amoureuse. Elle aurait pu avoir la carrière d’un Woody Allen sur le registre de l’humour juif new-yorkais. Parmi celles qui ont réussi à imposer, à l’échelle mainstream, du féminisme dans l’espace public, il y a Nancy Meyers avec Ce que veulent les femmes, qui inverse complètement le schéma. C’est comme un manuel de scénariste transformé par le female gaze. On doit beaucoup à Nancy Meyers et Nora Ephron [réalisatrice du culte Quand Harry rencontre Sally, ndlr] en ce sens.

3 scènes de films américains dans lesquelles vous aimeriez vivre ?

Toutes les scènes de bar dans le Los Angeles d’American Gigolo [de Paul Schrader, ndlr], pour mon alcoolisme. Celles dans le tour-bus de Presque célèbre de Cameron Crowe, pour mon érotomanie. Les tableaux de Busby Berkeley [chorégraphe et réalisateur de comédies musicales grandioses comme la culte Prologues, cosignée avec Lloyd Bacon en 1934, ndlr], pour le sport. Et, côté East Coast, l’ouverture de Que le spectacle commence de Bob Fosse [1980, ndlr]. Ou les scènes dans l’appartement de Kim Novak dans L’Adorable Voisine [Richard Quine, 1959, ndlr].

3 cinéastes américains avec qui vous rêveriez de papoter autour d’un bon dîner ?

Comme j’aime les grandes tablées, je réunirais des fratries : les sœurs Wachowski, les frères Coen et les frères Maysles [Gimme Shelter, 1971 ; Grey Gardens, 1975, ndlr]. S’il y a suffisamment de chaises, j’ajouterais Paul Thomas Anderson avec Sean Baker qui a l’air bien sympa et cinéphile, mais dont je ne connais rien – j’ai rendez-vous avec ses films ! Je trouve beau qu’il ait eu la Palme d’or à Cannes [pour son film Anora, ndlr], le cinéma indépendant américain doit être défendu haut et fort si l'on ne veut pas qu’il disparaisse.

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3 films qui vous donnent envie de partir en road trip à travers les U.S. ?

The Loveless de Kathryn Bigelow et Monty Montgomery [premier film de Bigelow, sorti en 1981, ndlr]. C’est une variation camp et sexy d’Easy Rider [Dennis Hopper, 1969, ndlr], un pur film de bikers et la première apparition de Willem Dafoe. La Balade sauvage de Terrence Malick [son premier film, sorti en 1973, ndlr]. Et les films de Robert Altman à Los Angeles comme The Player, qui, sans être des road trips, me donnent envie de conduire.

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Image : © DR

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