- Cannes 2021
- Critique
- Article
- 2 min
« Red Rocket » de Sean Baker : Texas rageur
- Joséphine Leroy
- 2021-07-16
Le cinéaste américain continue d’explorer les zones périphériques américaines dans ce portrait trash, décomplexé et acide sur une ex-star du porno revenant dans sa petite ville d’origine, au Texas, alors que sa carrière est au point mort.
La tête contre la fenêtre d’un car, « Bye Bye Bye » du boys band culte NSYNC à balle, Mikey Saber (incarné par Simon Rex, qui a lui-même expérimenté le porno avant d’apparaître dans des productions mainstream type Scary Movie 5) revient dans le petit bled paumé du Texas dont il est originaire. Plus personne ne veut de cette ex-pornstar partie chercher la gloire à Los Angeles il y a plusieurs années. Sans argent, il tente d’amadouer sa femme, ancienne hardeuse qui vit maintenant avec sa mère malade, pour se faire héberger…
On aura découvert de puissantes figures féminines cette année à Cannes (dans Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier ou Titane de Julia Ducournau). Le nouveau film de Sean Baker se pose en parfaite symétrie, soit la caricature d’une masculinité toxique XXL : petit marcel moulant, physique musclé, ego surdimensionné, sexualité frénétique… Cet anti-héros et ses fantasmes à côté de la plaque symbolisent ceux d’une partie de la société américaine qui s’accroche mordicus aux mythes de la virilité et de la jeunesse éternelle – le crush de ce quadragénaire pour une jeune fille de 17 ans en est la meilleure illustration.
Tangerine, les légendes urbaines de Sean Baker
Lire notre articleAprès un hôtel miteux en bordure de DisneyWorld dans The Florida Project (2017), c’est dans une autre zone grise, et avec le même esprit Disney-désenchanté, qu’on voit déambuler ce rejeté du rêve américain dont les saillies nombrilistes sont aussi ridicules que drôles (Baker ose la comparaison avec Trump, dont on entend plusieurs fois les discours de campagne fantaisistes).
Sean Baker, l'envers du décor
Lire notre entretien avec le réalisateurIl s’agit ici d’un quartier résidentiel pauvre où, entre deux deals de weed, les seuls plaisirs qu’on peut s’autoriser, c’est le sexe et manger de gros donuts très sucrés. Sean Baker n’a jamais eu un regard aussi cinglant sur la périphérie. Si on aurait aimé un peu plus de subtilité, ce furieux portrait, plus politique qu’il n’en a l’air, sait toucher des points sensibles.
Red Rocket de Sean Baker (Le Pacte, 2h08), en salles le 2 février