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PORTFOLIO · « L’Art de James Cameron », aux origines
- Enora Abry
- 2024-04-03
Avec ses aliens, ses humanoïdes ou ses planètes remplies de monstres, l'univers audacieux de James Cameron, qui a toujours occupé une place particulière dans l'industrie hollywoodienne, nous fascine depuis plus de quarante ans. L’exposition « L’Art de James Cameron », présentée à la Cinémathèque française, propose d’entrer dans les coulisses de projets à la pointe des révolutions techniques et technologiques, à travers 350 œuvres (croquis, dessins, peintures réalisés par le cinéaste depuis son enfance et objets de décors). Pour nous guider dans ce voyage foisonnant, qui prend pour point de départ les mondes dangereux de « Xenogenesis » pour nous faire atterrir sur Pandora (la terre mythique d’« Avatar »), on a demandé à Matthieu Orléans, co-commissaire avec Kim Butts de l’exposition, de commenter quelques trésors de la collection.
Bioluminescence creek, milieu des années 1970 © James Cameron / Avatar Alliance Foundation
“Quand James Cameron fait ce dessin, il n’a que 19 ans. Cette forêt bioluminescente lui est venue d’un rêve, comme la plupart de ses créations. En le regardant de plus près, on peut y trouver une dimension presque prophétique, comme si les germes de ses prochaines créations se cachaient déjà à l’intérieur. Ces plantes lumineuses rappellent l’arbre des âmes d’Avatar [franchise commencée en 2009, ndlr], les couleurs peuvent évoquer la planète d’Alien [dont James Cameron réalise le deuxième volet en 1986, ndlr] ou les fonds d’Abyss (1989).
On a voulu donner une place particulière à ce dessin dans notre exposition, en lui accordant une salle entière. Il est projeté sur un écran immersif. Les plantes bougent, le sol vibre. On voulait vraiment que le spectateur ait l’impression de rentrer dans le dessin.”
Xenogenesis © James Cameron / Avatar Alliance Foundation
“Xenogenesis (1978) était un projet de long métrage de James Cameron qui racontait les aventures de Raj et Laurie, deux humains qui vont de planètes en planètes pour chercher de nouveaux espaces habitables. Malheureusement, le réalisateur n’a jamais pu aller au bout et nous n’avons que 15 minutes de film qui sont projetées durant l’exposition.
Dans ses dessins, on reconnait l’esthétique de Frank Fazetta [peintre et dessinateur de BD américain qui s’est illustré par ses albums de science-fiction à partir de la fin des années 1940, ndlr], et celle de 2001 : L’Odyssée de l’espace (1968) de Kubrick. On retrouve également des idées qui verront le jour plus tard dans sa carrière. Par exemple, la femme bleue dans le coin droit est une sorte de première version des Na’vi [ce dessin lui a d’ailleurs permis en 2013 de gagner le procès pour plagiat intenté contre lui par le consultant en effet spéciaux Gerald Morawski qui l’accusait de l’avoir copié pour créer Avatar, ndlr].”
The Terminator studies (before Arnorld Schwarzenegger’s cast), début des années 1980 © James Cameron / Avatar Alliance Foundation
“Ces planches ont été décisives dans la création de Terminator [série de films commencée en 1984 où les robots ont pris le contrôle de la Terre, ndlr], puisque ce sont celles que le réalisateur a emporté au Festival de Cannes au début des années 1980 afin d’y trouver des financements. D’ailleurs, on remarque bien sur ces dessins qu’à l’époque, Arnold Schwarzenegger n’avait pas encore été choisi pour incarner Terminator. Il était plutôt pressenti pour jouer Kyle Reese [l’opposant du Terminator, chargé de protéger Sarah Connor. Le rôle sera finalement confié à Michael Biehn qui l’incarne dans les deux premiers volets de la saga, ndlr].
L’idée du film lui est venue dans un rêve. On y retrouve l’obsession qui a traversé toute sa filmographie : celle de l’homme-machine. C’est certainement dans Terminator qu’elle trouve sa forme la plus aboutie. Dans ses dessins, on remarque immédiatement la finesse de la robotique. C’est un film vraiment précurseur puisqu’à sa manière, il nous parle de l’intelligence artificielle, de la méfiance qu’on peut avoir envers les androÏds.”
Ripley vs. Alien Queen fight, 1984 © James Cameron /Avatar Alliance Foundation
“Aliens, le retour est un cas un peu particulier dans la filmographie de James Cameron car il n’est pas à l’origine de l’univers. Il prend la suite du premier volet de Ridley Scott tout en ajoutant sa touche personnelle. À l’inverse de l’épisode précédent, il choisit de genrer les aliens. L’adversaire de Ripley est la Reine des aliens et au même titre que Ripley, c’est une mère qui se bat pour protéger ses enfants. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Cameron n’est pas un cinéaste viriliste. Les personnages féminins forts ont toujours été au cœur de ses films. Il y a bien évidemment Sarah Connor qui est prête à tout pour protéger son fils dans Terminator, la guerrière Neytiri dans Avatar, ou Rose de Titanic qui n’hésite pas à braver les normes sociétales.”
Rose portrait, Avril 1992 © James Cameron /Avatar Alliance Foundation
“C’est certainement le dessin le plus connu puisqu’il est au centre d'une scène culte [celle où Jack, incarné par Leonardo DiCaprio, dessine Rose, jouée par Kate Winslet, à bord du Titanic, ndlr] . Mais ce que peu de gens savent, c’est qu’il a été conçu par Cameron. D’ailleurs, les mains filmées en train de le faire dans Titanic (1997), sont celles du réalisateur - ce qui a causé quelques problèmes pour les raccords car Cameron est gaucher et Léo est droitier.
Dans le livre [Tech Noir : L’Art de James Cameron, ndlr], on peut voir toutes les étapes de sa conception. Comme James Cameron n’osait pas demander à Kate Winslet de poser nue devant lui, il l’a d’abord fait prendre en photos en sous-vêtements. Puis il s’est servi des clichés pour faire son dessin.”
Sketch of a Neytiri’s portrait © James Cameron / Avatar Alliance Foundation
“Dans ses dessins des Na’vi [peuple de la planète fictive Pandora au centre de la série de films à succès Avatar, ndlr], on peut constater toute la minutie des détails. James Cameron a accordé une attention particulière aux expressions du visage. Comme il l’explique dans son livre, il voulait absolument que les Na’vi aient quelque chose d’humain, qu’on puisse reconnaître leurs émotions afin d’être en empathie avec eux [le peuple fait face à la colonisation de sa planète par les humains, ndrl].
D’ailleurs, pour les faire naître à l’écran, le réalisateur a utilisé la “performance capture” [version récente de la motion capture, qui permet non seulement de capter les mouvements des acteurs mais aussi leurs expressions faciales, ndlr] afin d’être au plus proche du jeu des comédiens. Ici, on reconnait tout le génie de James Cameron, qui a su allier tout au long de sa filmographie, l’imaginaire le plus délirant à des techniques de pointe.”
L'Art de James Cameron, à la Cinémathèque Française jusqu'au 5 janvier 2025.
Le livre Tech Noir, L’Art de James Cameron par James Cameron et Kim Butts est disponible sur le site des Editions Huginn et Munnin ou à la boutique de la Cinémathèque française.