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« Les Fantômes d’une Chambre en ville », voyage dans le Nantes de Jacques Demy
- Léa André-Sarreau
- 2019-12-16
Dans ce documentaire itinérant de l’émission L’expérience diffusée sur France culture, Katell Guillou parcourt Nantes pour faire revivre Une Chambre en ville (1982), film de Jacques Demy qui résonne particulièrement avec son histoire personnelle.
Chez Jacques Demy, la famille est un territoire inquiet. Les pères veulent y épouser leur fille (Peau d’âne), les beaux-pères tombent amoureux de leur bru sans le savoir (Les Demoiselles de Rochefort), les mères brisent des idylles (Les Parapluies de Cherbourg) et le couple est plus fait d’adieux que de réconfort (Lola).
Un étrange sentiment nous rend pourtant ses films très familiers -la preuve avec ce podcast de France Culture qui nous raconte l’histoire d’Amélie, jeune femme venue travailler à Nantes en 1928 en tant que cuisinière et femme de ménage pour une riche famille bourgeoise…qui vivait exactement à la même adresse que Madame Langlois (Danielle Darrieux), l’aristocrate déchue d’Une Chambre en ville de Jacques Demy. Autre coïncidence: Amélie épouse en 1953 un ouvrier des Chantiers Navals -tout comme le personnage principal du film, François Guilbaud (Richard Berry) également ouvrier gréviste qui tombe amoureux d’Edith (Dominique Sanda), une bourgeoise mal mariée avec qui il a une relation passionnelle avant de se suicider.
Partant de ces liens secrets (parfois imaginaires), Katell Guillou, petite-fille d’Amélie, nous raconte dans ce podcast comment le souvenir d’Une chambre en ville a grandi en elle: et si sa grand-mère avait réellement été la domestique de Danielle Darrieux? Si son grand-père Louis avait manifesté aux côtés de François?
Parcourant comme un jeu de pistes les lieux iconiques de Nantes, des salons bourgeois en passant par les quais ouvriers plein de grues, ce documentaire revient aussi avec une précision déconcertante sur la biographie de Jacques Demy (la réalisation de son premier documentaire pour lequel il a reconstitué sa chambre d’ado, son tempérament triste) pour mieux la mêler aux fantasmes de Katell Gouillou. Une façon de ressusciter les nombreux morts qui traversent Une Chambre en ville, sans doute le mélo le plus sombre de Jacques Demy.