« Plus qu’hier, moins que demain » : le très beau film de Laurent Achard ressort en salles

[OLDIES] Le réalisateur Laurent Achard nous quittait brusquement il y a deux mois. Comme une galerie de portraits aussi violents que bouleversants, son premier long, « Plus qu’hier moins que demain », réalisé en 1998, ressort en salles. L’occasion de (re)découvrir l’œuvre d’un cinéaste au réalisme noir.


Deux adolescents qui chuchotent, regards caméra. Les mêmes ados qui s’embrassent, amoureux transis. Une voiture qui roule au petit matin. On croirait presque à une balade mélancolique avec pour bande originale le bruit des baisers et de la rivière en contrebas. Si seulement. 

Plus qu’hier moins que demain, ce sont les retrouvailles d’une famille dans une petite ville de campagne, alors que ses membres reviennent sur les lieux d’un drame. Mais où ça ? Quel drame ? Ce sont les questions qu’on se pose devant ce film déchirant et auxquelles Laurent Achard répond à demi-mot. Un talent bien à lui qui consiste à ne rien dire vraiment, mais à laisser voir, infuser lentement, un cinéma brut qui emprunte autant au naturalisme de Pialat qu’à la rudesse de Żuławski.

Rencontres fortuites, réminiscences de souvenirs douloureux, les films d’Achard ont quelque chose d’étrange, son réalisme est si sombre qu’il en devient dérangeant. Dans ce premier long métrage, il s’attelle à sonder le malheur d’une famille, pourrie de l’intérieur, gangrenée par le secret. Œuvre chorale, où chacun se révèle dans la souffrance, le film amène des figures de femmes sublimes, désespérées, quand à l’inverse, les personnages masculins demeurent sombres et silencieux. Exception faite pour le petit Julien, spectateur impassible de la violence des adultes, que beaucoup ont voulu voir comme son double de cinéma. 

Achard sauve l’enfance, toujours, même dans ses plus terribles erreurs. Même dans Le dernier des fous, son second long métrage, où Martin, 11 ans, assiste à la déchéance de ses proches, le cinéaste parvient à lui ménager un espace sécurisant, bientôt envahi par le mal. Car l’horreur n’est jamais loin dans l’univers achardien. Resté mystérieux sur son passé, le réalisateur n’a cessé de revenir à cette même trame d’histoires familiales, rengaine d’un passé qui porte on imagine une résonance traumatique.

La magie du cinéma de Laurent Achard ne tient en fait qu’à quelques mots et à cette manière si modeste qu’il a d’utiliser l’ellipse, son pouvoir suggestif, au service de la vie qui ne dit jamais tout. « Si tu l’aimes, il faut comprendre » dit la mère à Julien, triste de ne pas voir revenir le chien qui s’est sauvé. Phrase terrible, quand on sait que l’amour, chez Achard, ne résout rien, jamais.

Image : © La Traverse