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« Only the River Flows » de Wei Shujun : un superbe thriller tourmenté

  • Quentin Grosset
  • 2024-06-18

[CRITIQUE] Le cinéaste et scénariste chinois Wei Shujun, dont le précédent long métrage « Ripples of Life » avait été sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2021, signe ici un thriller tortueux, qui nous perd avec brio dans le dédale mental de son héros.

La petite ville de Banpo, dans le nord-est de la Chine, est frappée par des meurtres en série. Le chef de la police criminelle, Ma Zhe, enquête. Mais, très vite, il est démuni, car une arrestation a lieu et une série d’indices l’amènent à douter de l’inculpation…

Le cinéaste Wei Shuju fait vaciller tous nos repères pour installer une atmosphère de doute larvé – l’intrigue labyrinthique, insondable, suit alors la spirale paranoïaque qui gagne peu à peu le héros, qui se sent de plus en plus isolé de ses pairs, un peu comme dans Decision to Leave de Park Chan-wook ou encore Inherent Vice de Paul Thomas Anderson.

Le cinéaste joue alors de la dégaine de son héros, l’apathie rampante, le blouson en cuir brillant qui se patine… Avec beaucoup d’invention formelle, il nous plonge dans ses rêves qui rejouent l’un des meurtres comme un tourment tenace, explorant toutes les configurations qui ont pu mener au drame. Seul contre tous, Ma Zhe doit faire face à une institution policière dont Wei Shujun fait ressortir l’esprit de clan, la tendance à maquiller les défaillances.

Celle-ci apparaît moins apte à se tourner vers un idéal de justice qu’à travailler seulement pour faire du chiffre. Comme beaucoup de réalisateurs chinois, Wei Shujun ruse avec la censure qui refuse que l’on ternisse la nation chinoise, en situant son intrigue à une époque passée – les années 1990, celles qui voient la Chine postcommuniste muter vers un capitalisme et un nationalisme toujours plus durs – pour qu’on saisisse ce qui, dans sa critique, travaille encore la société chinoise.

TROIS QUESTIONS À WEI SHUJUN

Only the River Flows est l’adaptation d’une nouvelle du célèbre romancier chinois Yu Hua. Quels motifs y avez-vous puisés ?

Au-delà de l’enquête criminelle, je tenais à restituer une ambiance, à transmettre des éléments qu’on ne perçoit pas directement. Et je voulais garder l’époque d’origine, les années 1990, une période de transformation radicale quant à la façon de mener des enquêtes en Chine.

Vous installez le commissariat de police dans une vieille salle de cinéma, un décor tout trouvé pour décortiquer la psyché du héros…

C’est un peu comme si le cinéma, en tant que lieu, était l’entrée dans le déroulement d’un repas. Ma Zhe démarre avec une grande confiance en lui, des certitudes, puis se met à douter, jusqu’au moment où il se trouve littéralement au bord de la folie, face à des choses incompréhensibles sur lesquelles il ne peut pas mettre de mots.

Vous avez tourné en 16 mm, pellicule dont le grain habille l’humeur des personnages et donne une texture au temps…

La pellicule m’a permis de donner une certaine idée de l’époque et de jouer sur la différence entre songes – avec des scènes tournées en numérique, plus nettes – et réalité. C’était une contrainte, tant sur le nombre de prises qu’en matière de rendu final, mais ça m’a permis d’apprendre à évaluer le travail des acteurs et le rythme des scènes de manière plus exacte.

Only the River Flows de Wei Shujun, Ad Vitam (1 h 42), sortie le 10 juillet

Image : © kxkh film

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