OLDIES · « Remorques » de Jean Grémillon : mal de mer

[CRITIQUE] L’un des chefs-d’œuvre du réalisme poétique, réalisé par Jean Grémillon et dialogué par Jacques Prévert, ressort en salles, porté par les immenses Jean Gabin et Michèle Morgan et habité par l’imaginaire de la mer.


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André Laurent (Jean Gabin), capitaine du remorqueur Le Cyclone, assiste avec son équipage à la noce d’un de ses marins, avant d’être appelé en urgence pour secourir les passagers d’un cargo, dont Catherine (Michèle Morgan), la femme du commandant. Coup de foudre : commence une liaison… Ce drame nocturne, tourné sur les côtes de Brest et de Guissény, étonne par sa capacité à synthétiser harmonieusement des imaginaires mythologiques et des esthétiques composites. Grand plasticien, Jean Grémillon filme l’appareillage du Cyclone comme une bataille épique et avec une modernité percutante.

Sous son réalisme symbolique oscillant entre noir et blanc austère (la photographie signée Armand Thirard sublime des décors brumeux, presque expressionnistes) et saillies poétiques (les séquences diurnes sur la plage où Jean Gabin et Michèle Morgan entrevoient un apaisement), pointent les thématiques obsédantes de l’adultère et de l’érosion conjugale, qui reviennent en ritournelles amères dans la bouche des personnages. Signés Jacques Prévert, ce sont ces dialogues presque musicaux qui donnent à ce drame très simple une dimension romantique déchirante, matérialisant les impasses sentimentales de personnages dont les solitudes peinent à s’accorder.

Remorques de Jean Grémillon, 
Carlotta Films (1 h 30), ressortie le 19 avril