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OLDIES · « Il faut sauver le soldat Ryan » de Steven Spielberg 

  • Justine Carbon
  • 2024-06-03

Sorti en 1998, le film culte de Steven Spielberg ressort en salles, à l'occasion de la commémoration du 80ème anniversaire du Débarquement en Normandie, le 6 juin 1944. S'il est resté gravé dans les mémoires cinéphiles pour sa précision, il n'est pas exempt d'inexactitudes historiques. La preuve en quatre points.

La France et ses anciens Alliés commémorent en ce moment les 80 ans du Débarquement. C'est dans ce contexte que ressort Il faut sauver le soldat Ryan (1998), l'un des films les plus emblématiques de Steven Spielberg. D'où vient l'intérêt du cinéaste américain pour cet événement historique et traumatique, qu'il filme pour nous rappeler, à nous spectateurs, l'ignominie de la guerre ?

Dans un entretien donné à la BBC, celui-ci a révélé que lorsqu'il était enfant - il est né en 1946 -, son père, ancien combattant, conviait à des réunions ses anciens camarades de front. Ces soldats, que le jeune Spielberg voyait de prime abord comme des armoires à glace, se révélaient profondément fragiles et traumatisés. Le souvenir de ces hommes en larmes à l'évocation de la guerre a imprégné le film. Et c'est sans doute cet affect qui a conduit Spielberg à livrer un film de guerre à la fois réaliste et très sensoriel. Pour arriver à ce résultat, le grand cinéaste a pris quelques libertés avec la réalité.

WRONG DESTINATION

De son nom de code anglais « Operation Overlord », le Débarquement de Normandie marque les premières minutes du film - 27 minutes millimétrées comme du papier à musique. Spectaculaire, la séquence du Débarquement impressionne par sa précision chorégraphiée, qui permet d'exprimer l'angoisse des soldats.

On pense au mixage sonore aiguisé - aux abords de la plage, le bruitage est monopolisé par les vomissements des soldats, terrifiés, avant de laisser place aux sons vifs des rafales de tirs lorsque l'assaut est lancé. Mais aussi à la façon dont ces derniers sont filmés en plans serrés dans les embarcations maritimes. Leur peur est palpable et les prières se multiplient. Comme une entrée dans l'horreur, le champ, jusqu'alors restreint, fait place à un théâtre macabre où les corps s'empilent.

Cette séquence prend aux tripes, mais sa véracité historique fait débat. Dans cette scène, les soldats dirigés par le capitaine John H. Miller (Tom Hanks) appartiennent à une compagnie de Rangers. Comme en témoignent les chiffres et informations précisés par le site D-Day Overlord, c’est en réalité la 1ère division d'infanterie américaine de l'armée de terre et la 29e division d'infanterie américaine qui ont conjointement débarqué à Omaha Beach. Parallèlement, les Rangers ont bel et bien pris part au Débarquement, mais à la pointe du Hoc, situé entre Omaha Beach et Utah Beach. On comprend Spielberg : mettre en scène une unité d'élite compacte facilite peut-être la lecture des événements.

DES PERSONNAGES MANQUANTS

Assez tôt dans le film, un groupe de sept soldats se démarque aux côtés du capitaine Miller. Il y a le sergent Horvath (Tom Sizemore) ; les soldats Reiben (Edward Burns), Caparzo (Vin Diesel), Mellish (Adam Goldberg) ; Jackson (Barry Pepper) ; l'infirmier Wade (Giovanni Ribisi) et le caporal Upham (Jeremy Davies), un traducteur du quartier général. 

Ces hommes sont tous de nationalité américaine. Or, le débarquement de Normandie a été permis grâce au concours considérable d’armées non étatsuniennes. D'après ces articles de France 3 Région et D-Day Overlord, on sait que ce jour-là, les troupes étatsuniennes, canadiennes et britanniques ont principalement débarqué. Or, le soutien naval et aérien pour l'opération « Neptune » a quant à lui été assuré par les pays du Commonwealth, mais aussi par des forces libres de France, de Norvège, du Danemark et du Canada. 

MAL ARMÉS

Si le film est salué pour sa précision dans le choix des armes à feu attribuées aux soldats allemands et américains, l’usage de ces armes soulèvent quelques interrogations. Par exemple, la chaleur des canons des MG-42 (comme le précise le ce site consacré aux incohérences du film concernant les armes) - utilisés à l'époque par les allemands lors du Débarquement - est normalement très élevée après les tirs. Il était donc recommandé de fragmenter les rafales pour éviter les surchauffes.

Dans le film, cette recommandation technique (question de vie ou de mort, quand même) est oubliée au profit du spectaculaire, pour renforcer la puissance et la rapidité cinégénique des échanges de tirs. Ainsi les soldats allemands enchaînent les rafales sans être gênés par la chaleur de leur arme - en réalité, ils devraient tous être en hyperthermie ou carbonisés avec une telle gâchette. La preuve en image : durant l'affrontement final, la bataille bat son plein et les troupes allemandes enchaînent les tirs contre la petite bande de Rangers, prise au piège dans les ruines d'un petit village normand. On devine qu'une pause en plein milieu pour permettre le refroidissement des canons aurait quelque peu atténué le rythme de la scène.

FRÈRES DE CŒUR

Edward, Preston, Robert et Frederick Niland © Domaine public

Pour revenir à l’intrigue en elle-même, les huit soldats sont chargés par le général George C. Marshall de sauver et de ramener auprès de sa mère le jeune soldat James Francis Ryan (Matt Damon). Ce dernier est en effet le seul survivant de sa fratrie, composée de Sean Ryan, mort sur la plage d'Omaha Beach ; de Peter Ryan, mort à Utah Beach et enfin de Daniel Ryan, mort en Nouvelle-Guinée durant la campagne du Pacifique.

Steven Spielberg se serait en partie inspiré de l’histoire des frères Niland : Edward (1912-1984), Preston (1915-1944), Robert (1919-1944) et Frederick (1920-1983). Si deux frères sont morts au combat en Normandie (Robert, mort le 6 juin 1944 et Preston le 7 juin 1944), Frederick, qui opérait en tant que sergent au 501ème régiment parachutiste d’infanterie de la 101ème division aéroportée, a survécu et a été rapatrié aux États-Unis pour y terminer sa période militaire, selon les informations de D-Day Overlord.

Ce dernier apprit d'ailleurs après la guerre que son frère Edward, jusqu'alors présumé mort, était en réalité interné dans un camp de prisonniers en Birmanie. Sûrement pour accentuer la dimension dramatique, le réalisateur a fait le choix de ne pas coller à l'histoire des Niland. Ainsi, le benjamin de la fratrie, James, est le seul survivant. Stevie n'est peut-être pas le roi de la biographie officielle, mais il sait créer des destinées romanesques uniques, histoire qu'on éprouve de l'empathie pour ses héros.

Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg (2h49, Paramount Pictures France) ressortie le 6 juin

Image : © Paramount Pictures - Amblin Entertainment 

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