NOUVELLE STAR · Sacha Trilles : « Le défi du film, c’était la liberté »

Dans son premier film, « Berthe is dead, but it’s okay », présenté en compétition au Champs-Élysées Film Festival, le réalisateur suisse Sacha Trilles, 25 ans, met en scène avec panache la mort choisie de sa grand-mère, matriarche bigger than life.


Visage enfantin, boucles brunes au vent et moustache soignée, Sacha Trilles ne boude pas son plaisir de discuter sur le Rooftop Publicis. Après une enfance passée à la frontière suisse et un Bac cinéma en poche, le jeune homme a plongé la tête la première dans l’audiovisuel, de stages en jobs de technicien sur les tournages. Il a été photographe, notamment pour la drag queen Moon (“C’est la connexion suisse !”), réalisateur de clips pour les groupes Valentin Z et Metro, ou encore directeur de la photographie (sur les courts-métrages « Beneath the shell » et « Va et vient » )… Mais travailler sur les projets des autres commence à le frustrer.

Fin 2022, Berthe Guillerat, sa grand-mère, lui annonce que ses jours sont comptés. « Je n’ai plus de boulot, je suis au fond du trou. Et elle me dit : ‘‘il va pas me rester très longtemps, si tu veux faire un film avec moi, c’est maintenant.’’» Sa seule condition : ne pas faire un film triste. Ce sera une célébration alors, de cette grand-mère qui l’emmenait au théâtre, à l’opéra, et lui a légué sa collection de DVD. « C’est avec elle que j’ai découvert le cinéma classique : Sergio Leone, Le Parrain, Coppola… », confie ce fan de David Lynch, Agnès Varda et Leos Carax.

Brisant les frontières entre documentaire et fiction, ce moyen-métrage à la poésie queer alterne entre un long entretien avec Berthe dans une ambiance lynchienne, entrecoupé de séquences méta où le réalisateur détourne les codes du western et du film de mafieux, en travestissant sa grand-mère.

Dans d’autres tableaux surréalistes à l’esthétique léchée, il se met en scène en drag ou dans un aparté musical émouvant avec des marionnettes. Inspiré par Bo Burnham: Inside (2021) – spectacle musical intimiste dans lequel le stand-upper se met en scène pour parler de santé mentale – Sacha Trilles nous montre l’envers du décor. « Je vais mettre ma grand-mère à nue, parler de sa vulnérabilité. C’était important pour moi, en tant que réalisateur, d’en faire de même. »

Doté d’un budget serré de 50 000€, Sacha Trilles gère tous les aspects de la production, de la prépa au tournage de six jours, en passant par une post-production aux allures de travail de deuil. Avec pour seule guide une liberté artistique qui fait écho à « la liberté dont a toujours fait preuve ma grand-mère ». Le résultat est une œuvre expérimentale puissante, où transpire toute la créativité et la sensibilité d’un réalisateur prometteur, qui utilise le cinéma comme « un outil thérapeutique ». Distribué par Manifest, Sacha est lancé dans le grand bain des festivals. Il pense à ses futurs projets, de la docu-fiction, mais pas que. « J’ai pas mal de choses déjà écrites. J’espère maintenant rencontrer les bonnes personnes pour les développer. »

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