Céline Sallette : « J’ai un peu l’impression d’être Bilbo dans ‘Le Seigneur des anneaux’ »

[RÈGLE DE TROIS] L’actrice française, que l’on a vue chez Bertrand Bonello, Cédric Jimenez et Audrey Diwan, passe derrière la caméra avec « Niki », biopic libre de l’artiste rebelle Niki de Saint Phalle, interprétée par Charlotte Le Bon. L’émouvante et surprenante Céline Sallette se dévoile à travers notre questionnaire cinéphile.


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3 moments-clés dans votre parcours de réalisatrice ?

Ça a commencé à Noël 2018, quand j’ai écrit quarante pages sur un projet que j’avais en tête depuis quelques années. J’ai fait lire le texte à Bertrand Bonello et à Raoul Peck, et les retours ont été encourageants. Ensuite, en 2020, la réalisation de mon court métrage L’Arche des canopées a été mon premier apprentissage. Enfin, le jour où on a appris la sélection de Niki au Festival de Cannes [à Un certain regard cette année, ndlr], c’était l’avènement d’une conquête, un sentiment incroyablement puissant.

Décrivez-vous en 3 personnages de films…

J’ai un petit côté Bambi qui glisse puis revient sur ses pattes. J’ai aussi un côté Tom Hanks dans Big, comme un enfant dans un corps d’adulte qui ne comprend pas tout ce qui se passe. Et j’ai un peu l’impression d’être Bilbo dans Le Seigneur des anneaux.

Les 3 plus grands films féministes, selon vous ?

La Couleur pourpre – l’un de mes films préférés –, Sans toit ni loi et Erin Brockovich. L’identité féminine est indissociable du contexte social. Dans La Couleur pourpre, il s’agit d’une femme racisée ; dans Sans toit ni loi, d’une jeune femme précaire, ce qui est une autre réalité.

Vos 3 citations préférées de Niki de Saint Phalle ?

«J’ai décidé très tôt d’être une héroïne, l’important était que ce fût difficile, grand et excitant.» Je suis impressionnée par la manière dont Niki a vécu sa vie en cherchant à atteindre sa puissance. Sa grandeur et sa démesure me fascinent et me semblent exemplaires ! La deuxième est de Jean Tinguely, mais j’ai le droit, comme c’était son époux : «La poésie, c’est une maladie, quand tu l’as, tu ne peux pas faire autre chose. » Chez cette grande artiste, il y avait une chose dingue et remarquable : l’affirmation que l’être humain est une créature poétique. Et aussi : « Je veux faire ma création à moi. » C’est aujourd’hui vital pour moi. Plus on fait sa création, plus on est heureux.

3 mots qui décrivent votre lien avec son art ?

Bouleversée. Cet été, j’ai été au jardin des Tarots et je ne pouvais plus m’arrêter de pleurer, c’est une expérience mystique. C’est incroyable que cet endroit existe et qu’elle l’ait fabriqué. Émerveillée. À Jérusalem, les enfants jouent sur la sculpture du Golem à trois langues sans savoir que c’est une œuvre de Niki. Elle transmet sa force et sa drôlerie de façon anonyme. L’idée que l’art appartient aux gens est merveilleuse. Avant-gardiste. On commence à mesurer l’ampleur de son art, tout ce qu’elle a surmonté et partagé, notamment dans ses autobiographies, sur lesquelles je me suis beaucoup appuyée. Traces évoque son enfance ; Harry et moi. Les années en famille, 1950-1960, la décennie qui explique son parcours d’artiste ; Mon secret révèle l’inceste qu’elle a subi, à travers une lettre destinée à sa fille, qu’elle a décidé de rendre publique.

L’acteur ou l’actrice dont vous étiez amoureuse à 13 ans ?

Daniel Day Lewis ! J’avais vu My Left Foot, Le Dernier des Mohicans… Le jour où j’ai compris que c’était un type normal qui jouait, je ne m’en suis pas remise. C’est l’acteur qui a le plus marqué mon adolescence. 

Niki de Céline Sallette, Wild Bunch (1 h 38), sortie le 9 octobre