« Knock At The Cabin » de M. Night Shyamalan

L’imperturbable M. Night Shyamalan poursuit une carrière aussi passionnante qu’obsessionnelle, travaillée par la question de la croyance. Et enferme ici ses personnages dans une cabane pour régler son compte à l’Apocalypse, signant son film le plus ouvertement politique.


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« Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup n’y est pas… » Knock at the Cabin pourrait débuter sur cet air espiègle, tandis qu’une fillette joue devant la cabane qu’ont louée ses deux pères adoptifs pour l’été. Nous ne sommes pas dans Le Village (2004), mais un intrus rôde pourtant bien derrière les branchages ; un mastodonte, Leonard, campé par l’acteur catcheur Dave Bautista. M. Night Shyamalan agence une pure scène de conte, soit la rencontre entre un géant et une gamine un peu trop téméraire. Or, Leonard est accompagné de trois acolytes armés, bien décidés à entrer dans la cabane. Simple fantasmagorie ? Lorsque la fillette raconte sa déconvenue, ses parents, Andrew et Eric, ont du mal à y croire… jusqu’à ce qu’on frappe à la porte.

Shyamalan invoque un bestiaire qui n’appartient qu’à lui, entre figures super-héroïques – Dave Bautista fut révélé par Les Gardiens de la galaxie (2014) – et féerie enfantine, dont l’émouvante naïveté tranche avec le désenchantement habituel d’un œil adulte. C’est qu’il est précisément question de réenchanter les regards, de « croire » à nouveau, chez Shyamalan, qui envoie quatre anges prêcher la fin du monde au chevet d’Andrew et Eric. Mais des anges a priori menaçants, qui n’hésitent pas à forcer la porte ni à ligoter le couple. Superbe effet de contrebande que de pasticher le home invasion à la Funny Games (1998), avant d’en rebattre les cartes. En lieu et place de la torture attendue, on assiste à une réunion (presque) pacifique pour décider du sort de la planète. Reste un impératif : convaincre cette famille qu’elle est la seule à pouvoir stopper le désastre… à condition de sacrifier l’un des siens.

Shya­malan convoque toute une mythologie biblique de la rédemption, dans laquelle le salut de l’humanité dépend de son abnégation, puis l’Apocalypse et moult autres prophéties catastrophistes qui parsèment les textes sacrés. Mais le génie conceptuel du film tient à leur subversion, dans un présent où l’idée même de croyance est suspecte : ainsi les « élus » sont un couple gay que le statut minoritaire a rendu exces­sivement méfiant, aux yeux duquel les quatre messagers passent moins pour des lanceurs d’alerte avisés que pour une bande d’extrémistes allumés. D’autant que leurs seules preuves sont des images télé­visées de cataclysmes et de pandémies. Images choc mais immatérielles, propices à propager des fake news et face auxquelles il suffit de détourner le regard.

Plus que de pointer notre égoïsme aveugle face à la crise climatique, le cinéaste, qui filmait déjà une nature vengeresse dans le mésestimé Phénomènes (2008), fait ici de ce déni une source de violence ; en l’occurrence la seule qui fasse basculer ses personnages dans l’horreur. Nul doute que, chez un rêveur comme Shyamalan, un monde où l’on ne croit plus est un monde en décrépitude.

Knock at the Cabin de M. Night Shyamalan, Universal Pictures (1 h 40), sortie le 1er février

Image (C) Universal Studios