Malgré le gros plan à la courte profondeur de champ qui isole du contexte, on reconnaît d’emblée son œil noisette souligné de khôl et ses quelques taches de rousseur sur le nez : Penélope Cruz, dans une intensité et une mise en scène dramatique rappelant ses rôles chez Pedro Almodóvar. Depuis l’embrasure de la porte, Adri regarde sa mère, Clara, et sait, à son expression et à sa manière de s’être maquillée, qu’elle vient de pleurer. Mais la mère au foyer ne veut pas que cela soit dit ; elle se met à dresser joyeusement la table avec ses trois enfants avant le retour du père – qui plombera bien l’ambiance…
Dans L’immensità, chronique familiale du point de vue d’un ado qui commence à questionner son assignation de genre, on perçoit des traces d’autres cinémas (Almodóvar, donc, ou encore Michelangelo Antonioni dans une scène de disparition en bord de mer qui évoque L’avventura). Mais la tonalité du film est propre au cinéma d’Emanuele Crialese, naviguant entre noirceur et légèreté, explorant les nuances de personnages certes frondeurs mais dans une éternelle indécision : faire passer en premier ceux qu’ils aiment, ou eux-mêmes ? Question insoluble pour Adri et Clara, piégés dans une interdépendance dont le réalisateur scrute tous les aspects avec une grande sensibilité.
L’immensità d’Emanuele Crialese, Pathé (1 h 37), sortie le 11 janvier
Image (c) Angelo Turetta