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Les tourments d’Ingmar Bergman
- Trois Couleurs
- 2018-09-03
En 2018, année qui marquait le centenaire de la naissance du Suédois Ingmar Bergman, né un 14 juillet, deux documentaires exploraient les zones d’ombres de son existence. On republie ce papier paru à l’époque.
En ces temps d’anniversaire et d’hommage, ces deux documentaires, À la recherche d’Ingmar Bergman de Margarethe von Trotta et Bergman. Une année dans une vie de Jane Magnusson, refusent de tomber dans l’hagiographie et de faire du cinéaste suédois un génie intouchable – et c’est tant mieux. Ces films s’intéressent à l’homme, à la grâce avec laquelle il filmait les visages, à ses méditations sur la mort ou sur la foi, à ses réflexions sur le théâtre… mais sans le ménager.
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Mesurant le gigantesque héritage de l’œuvre auprès d’autres créateurs (Mia Hansen-Løve, Ruben Östlund dans le film de Trotta) et de ses collaborateurs (Liv Ullmann, Gunnel Lindblom dans celui de Magnusson), ces documentaristes osent s’aventurer dans des passages troubles et vraiment critiquables de sa biographie : sa fascination avant-guerre pour la figure d’Adolf Hitler, sa manière mufle de traiter les différentes femmes de sa vie, le peu d’intérêt qu’il eut pour ses enfants, ou encore la façon dont il pouvait humilier certains acteurs… Ce qui revient surtout, c’est sa relation ambiguë à la vérité.
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Certains intervenants avancent que son autobiographie, Laterna Magica, n’est pas un document fiable pour saisir qui il était vraiment. Le film de Magnusson présente d’ailleurs un document jamais vu : une interview de son frère aîné, Dag, qui devait être diffusée à la télévision suédoise mais que le cinéaste a fait censurer. Le frère ennemi y affirme qu’Ingmar a toujours été le chouchou de son père pasteur, alors que lui subissait des châtiments psychologiques et corporels – Ingmar Bergman s’en est inspiré pour Fanny et Alexandre (1983), mais affirmait que ces scènes étaient basées sur sa propre expérience… Si ces documentaires écornent franchement cette figure parfois trop mythifiée qu’est devenu Bergman, ils captivent parce qu’ils font apparaître son œuvre dans ses conflits internes et dans ses paradoxes.
À la recherche d’Ingmar Bergman
de Margarethe von Trotta
(Épicentre Films, 1 h 39)
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Ingmar Bergman. Une année dans une vie
de Jane Magnusson (Carlotta Films, 1 h 56)