- Article
- 5 min
Thomas Cailley, plan de bataille
- Quentin Grosset
- 2014-08-21
Comment avez-vous eu l’idée de mixer ces deux genres, la comédie romantique et le survival ?
Je voulais que le film retrace un parcours libre. À l’écriture du scénario, je ne me suis pas rendu compte de cette hétérogénéité. Pendant l’étape du financement, on me posait beaucoup de questions sur l’unité du long métrage. Je répondais instinctivement que la mise en scène allait lier les éléments antagonistes. Avec mon frère, David Cailley, le chef opérateur du film, on a réfléchi aux ambiances en collant des images sur un grand tableau de liège. Des photos de films réalisés par les frères Coen, Bruno Dumont ou Steven Spielberg, qui a une façon très particulière d’éclairer des forêts de nuit… Le trajet du film correspond à un voyage : du froid vers le chaud, de l’immobilité vers le mouvement, du diurne au crépusculaire. Sa richesse, c’est la variété des expériences que traversent les personnages.
Comment décririez-vous l’évolution des protagonistes ?
Peu à peu, ils deviennent des héros de cinéma. Dans la fiction, ça m’énerve quand on présente des personnages malades qui finissent par guérir. Cela donne souvent lieu à des scènes qui nous montrent qu’ils ont eu tort d’être comme ils sont. Ils font des concessions, je trouve ça terrible. Arnaud et Madeleine doivent grandir, et non pas changer. L’idée n’est pas d’arriver à une prise de conscience, mais de les voir agir. Les deux ont ensemble une énergie qu’ils n’ont pas séparément, c’est ce qui leur permet d’inventer des mondes.
À un moment donné, le film devient presque onirique. Comment avez-vous pensé ce basculement ?
C’est un glissement vers la fiction qui s’opère depuis le début. On démarre de façon très ancrée dans le réel sur le personnage d’Arnaud avec son quotidien, sa famille, ses potes, son boulot. Puis arrive Madeleine, cette fille étrange qui bouscule ses habitudes. Plus il la côtoie et plus il se passe des choses bizarres. Elle croit à la fin du monde, et c’est littéralement ce qu’Arnaud subit dans chaque scène. On avance peu à peu sur un terrain plus rêveur, jusqu’à la séquence de fin qui lorgne vers le fantastique.
Pourquoi avoir inscrit l’intrigue dans ce décor de l’armée ?
C’est un cadre idéal pour une interrogation existentielle. Depuis quelques années, la communication de l’armée utilise des slogans tels que « Devenez vous-même » ou « Pour soi, pour les autres ». C’est une institution censée nous protéger d’ennemis divers. Or elle n’appelle pas les jeunes à se réunir autour de valeurs collectives, mais plutôt pour leur épanouissement personnel. C’est ce dont il s’agit pour les personnages : apprendre à se trouver par rapport à la société. Pour que ce soit réaliste, je me suis inscrit au stage que font Madeleine et Arnaud. Ce qui est drôle, c’est de voir les fantasmes d’aventure avec lesquels les jeunes arrivent. Car, concrètement, ils font juste du sport.
Les Combattants
de Thomas Cailley (1h38)
avec Adèle Haenel, Kevin Azaïs…
sortie le 20 août