Rares sont les cinéastes qui savent comme lui filmer les courants d’air. Dans son court Léo la nuit, jouant de douceur et de flou, Nans Laborde-Jourdàa (déjà auteur de Looking for Reiko, dans lequel un Français part à Tokyo sur les traces d’une actrice de pinku eiga disparue) incarne un personnage papillonnant, toujours dans sa course. D’un côté, Paul s’occupe de son fils le jour de ses 8 ans ; de l’autre, il se dérobe avec des amants anonymes. On suit la fuite de ce héros glissant à travers une forme fragmentaire, flâneuse, irrésolue, qui a tout d’un jeu de piste espiègle. « J’ai commencé par un montage très ficelé, puis j’ai tout déconstruit », nous dit celui qu’on sent marqué par l’écriture du « je » tout en déviations d’Hervé Guibert.
Le réalisateur se projette autant dans la figure insouciante du père que dans celle du fils. « Je me suis beaucoup construit sur le fantôme de la paternité », raconte-t-il, évoquant son adolescence pyrénéenne fracturée par la mort de son père et la difficulté d’évoluer dans un milieu très hétéronormé. Avec sa compagnie Toro Toro (qu’il a cofondée avec son amie rencontrée au Conservatoire du Ve arrondissement, Margot Alexandre), le trentenaire fait aujourd’hui fleurir sa flamboyance à travers leurs spectacles RN134, Polyester ou Duet. « On travaille sur la crête entre le vrai et le faux, entre le noble et le mauvais goût. » Son prochain court, Boléro, devrait lui aussi joyeusement s’éparpiller : il racontera le retour sous pression d’un danseur dans ses Pyrénées natales. Sa session drague va dériver vers une immense procession carnavalesque dans des toilettes de supermarché. On est déjà prêts à se perdre dans cette nouvelle échappée.
Duet de Margot Alexandre et Nans Laborde-Jourdàa, du 26 au 28 janvier au Théâtre de l’Aquarium