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« Le Bel indifférent » de Jacques Demy sur mk2 Curiosity
- Quentin Grosset
- 2020-05-13
A partir d’une pièce de Jean Cocteau, le jeune Jacques Demy affichait déjà son désir de stylisation à travers ce film inquiet de 1957, dans lequel il a su autant assumer une certaine théâtralité qu’insuffler toute la dimension fantomatique du cinéma. A voir gratuitement jusqu’à mercredi prochain sur mk2 Curiosity, en partenariat avec Ciné-Tamaris.
Mise à jour le 20/05/ 2020. Ce film n’est désormais plus accessible. Découvrez les films offerts sur mk2 Curiosity en cliquant ici.
C’est comme un passage de relais lorsque Jean Cocteau offre à Jacques Demy, alors auteur d’une poignée de courts métrages, les droits d’adaptation de sa pièce Le Bel Indifférent, monologue d’une femme délaissée qui adresse une lancinante complainte à son amant enfermé dans un mutisme cruel. Voyant peut-être en ce jeune cinéaste un héritier au lyrisme furieux et aux visions troublantes, le poète laisse à Demy toute liberté pour donner sa version à la fois exaltée et vénéneuse de ce drame qui, avant cela, a été interprété sur scène en 1940 par Edith Piaf et Paul Meurisse.
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Avec le décorateur Bernard Evein, il choisit de faire sentir que le sublime texte de Cocteau a été écrit pour le théâtre. Les rideaux, les tréteaux, tout cela reste apparent dans le film. Dans ce huis clos, chambre d’hôtel tapissée d’un rouge criant, ce simulacre renvoie aux illusions de la protagoniste qui attend obstinément un homme qui ne veut plus d’elle. Si celui-ci finit par apparaître, c’est pour ne dire aucun mot, et on ne sait même pas s’il l’écoute lorsqu’elle lui confie tous ses espoirs et sa rancœur pendant qu’il se rase ou qu’il lit le journal. Des paroles à sens unique, vaines, comme prononcées par un fantôme.
Demy laisse le spectateur indécis sur qui de l’homme ou de la femme est quasiment devenu un spectre : on ne sait pas si elle s’est évaporée de son esprit à lui, ou bien si lui la hante méchamment. Le cinéaste crée cette atmosphère chimérique à travers sa manière d’envisager un décor à la beauté plastique étouffante, ses lents mouvements de caméras accompagnant l’actrice Jeanne Allard dans une sorte de torpeur, d’engourdissement, qui lui donnent l’air de se débattre comme une âme errante. Lorsqu’elle se penche à la fenêtre donnant sur un noir opaque seulement éclairé par le néon d’un dancing, le vert des rideaux évoque d’ailleurs presque la gamme chromatique glauque du Vertigo d’Hitchcock, autre chef d’œuvre aux accents fantastiques sur l’obsession amoureuse, qui sort étonnamment la même année.
Image de couverture : (c) Ciné-Tamaris