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L’archive du déjeuner : quand Francis Ford Coppola évoquait « Apocalypse Now »
- Léa André-Sarreau
- 2020-04-07
Pour fêter les 80 ans de Francis Ford Coppola, on revoit cette archive mystique du documentaire Aux cœurs des ténèbres : L’Apocalypse d’un metteur en scène dans lequel le réalisateur, pas tout à fait sobre, explique la pulsion de mort primaire qui habite son chef-d’oeuvre.
La fiction empiète parfois sur la réalité au point de la dévorer – certains réalisateurs perfectionnistes ont fait les frais de cette expérience troublante. C’est Werner Herzog qui décide de faire éprouver à son équipe les limites de la folie sur le tournage légendaire d’Aguirre, la colère de Dieu, Henri-Georges Clouzot qui perd le sommeil et réécrit tous les jours le scénario de L’Enfer, qu’il n’achèvera jamais. Mais le prix du tournage maudit revient à Francis Ford Coppola, qui a failli laisser corps et âme pour donner naissance à son chef-d’oeuvre moite et crépusculaire, descente dans les tréfonds de la folie humaine en pleine guerre du Viêt-Nam : Apocalypse Now.
Au point qu’en 1991 sortira Aux cœurs des ténèbres : L’Apocalypse d’un metteur en scène, documentaire abyssal de Fax Bahr et George Hickenlooper, qui témoigne des doutes et des obsession qui ont assailli Coppola durant la genèse cauchemardesque du film, des changements de casting (Jack Nicholson et Robert De Niro sont d’abord envisagés dans le rôle de Willard avant d’être remplacés par Martin Sheen), des conditions météorologiques désastreuses (le typhon Olga ravagea la plateau), et du gouffre financier ayant forcé le réalisateur à hypothéquer sa maison (prévu pour 13 millions de dollars, le budget gonfle à 30 millions).
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Bref, même s’il est clair que ce n’est pas un super souvenir pour lui, on a décidé de revoir une archive un peu hallucinante tirée de ce fameux documentaire, dans laquelle Francis Ford Coppola expose sa vision de ce que doit être un « bon » film, et explique qu’Apocalypse Now est une parabole philosophique de tout existence humaine. Avertissement utile avant de visionner ce document qui frôle la séance psychanalytique : Coppola n’était pas tout à fait dans son état normal au moment du tournage – de nombreux témoins ont raconté qu’il était pris de délires paranoïaques et mélomanes à cause de la marijuana, allant jusqu’à perdre 40 kilos, et sa femme Eleanor Coppola a du enregistrer en secret certaines séquence sonores du documentaire.
Ne vous étonnez donc pas si les paroles cryptiques du cinéaste vous parviennent à travers un nuage brumeux et flou. « Il n’y a rien de plus prétentieux et terrible qu’un film qui aspire à faire quelque chose » attaque-t-il, avant de poursuivre: « D’un côté, on doit aspirer à quelque chose, d’un autre, on ne doit pas être prétentieux. Au fond, ça m’est égal, l’essentiel c’est que je me dise : j’ai envie de voir ce film ». Jusqu’ici, tout est limpide. S’en suit une réflexion métaphysique teintée de mysticisme un peu plus complexe à saisir, bien que passionnante lorsqu’on la relie aux thématiques d’Apocalypse Now, récit de guerre qui parle avant tout du monstre qui sommeille en chacun et n’attend que de se réveiller pour exercer ses pulsions de destruction envers autrui: « Lorsque l’on utilise des mots comme la prédation de soi même par exemple, les gens vous prennent pour un connard de prof de fac, ou pour un gourou religieux. Mais ce sont les mots qu’on utilise pour qualifier la renaissance à l’origine de toute vie, c’est la seule règle que tous les hommes suivent depuis qu’ils ont commencé à regarder en l’air vers le soleil ou à chercher des aliments. »
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Quoi de mieux qu’une métaphore végétale trouvée par Coppola lui-même pour illustrer cette idée ténébreuse? « Le premier concept qui a entré dans l’humanité, c’est celui de vie et de mort, du soleil qui se lève et se couche. Il y a un début et une fin chez la plante par exemple. Tout meurt en hiver, et le premier homme qui a vu ça a du se dire que c’était la mort. Mais le printemps est revenu et il a du se dire que c’était encore plus merveilleux ».