Suite à l’annonce de la mise en place d’un couvre-feu et de la non-réouverture (pourtant prévue) des cinémas, la Société des Réalisateurs de Films fustige dans une lettre ouverte le « mépris » du gouvernement à l’égard de l’industrie cinématographique.
Hier soir, le Premier ministre Jean Castex a fait le point lors d’une conférence de presse sur la mise en place de nouvelles mesures sanitaires. Tout en annonçant l’instauration d’un nouveau couvre-feu, il a indiqué que la réouverture des salles de cinéma, d’abord prévue pour le 15 décembre, devrait a priori être repoussée à janvier 2021. « Même si tous ces établissements disposent de protocoles sanitaires, la logique que nous devons suivre est d’éviter d’accroître les flux, les concentrations, les brassages de public, à un moment où nous devons continuer de les réduire autant que possible », a-t-il fait valoir. La réaction de plusieurs professionnels du secteur cinématographique, qui alertent depuis plusieurs mois le gouvernement sur les difficultés financières rencontrées depuis le début de la crise, ne s’est pas faite attendre.
RÉACTIONS DU MONDE DU CINÉMA
Beaucoup questionnent la cohérence du gouvernement, qui n’interdit pas la circulation de la population dans les lieux de culte, centres commerciaux, transports en commun, gares ou établissements scolaires. Sur son compte Twitter, Jean Labadie, fondateur de la société de distribution Le Pacte, qui comptait sur la ressortie d’ADN de Maïwenn ce 15 décembre, a fait part de son incompréhension : « ovid, centres commerciaux, églises, transports en commun, gares, lycées seraient totalement sans danger. De qui se moque-t-on ? » Toujours sur Twitter, l’acteur et réalisateur Pierre Niney (bientôt à l’affiche d’OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire de Nicolas Bedos) ne s’explique pas non plus ce deux poids, deux mesures : « Franchement, c’est dur de se dire que tous les commerces, avions, trains et grandes surfaces de France peuvent accueillir du public (…) mais pas les cinémas et les théâtres qui ont fait tant d’efforts pour être des lieux irréprochables sanitairement (…) »
LA SRF S’EXPRIME
Dans ce contexte, la Société des Réalisateurs de Films, co-présidée par Lucie Borleteau, Vergine Keaton et Thomas Bidegain et qui compte parmi ses adhérents les cinéastes Claire Denis, Guillaume Brac, Bertrand Bonello, Rebecca Zlotowski ou Amandine Gay, a pris la plume dans une lettre ouverte publiée ce 11 décembre et titrée Le Mépris. Au delà-du clin d’oeil godardien, l’en-tête parle de lui-même : depuis le début de cette crise sanitaire, les professionnels dénoncent tour-à-tour le silence assourdissant et la politique culturelle hors-sol du gouvernement. Égrenant les conditions de travail désastreuses dans lesquelles sont plongés les différents maillons de la chaîne cinématographique, la SRF conclut :
Pour tous les films qui ne sortent pas aujourd’hui, ce sont des distributeurs et des producteurs qui ne pourront pas s’engager sur de nouveaux projets, ce sont des films qui ne pourront pas exister dans le futur, et autant d’emplois qui seront fragilisés pendant des années. C’est toute la chaîne qui souffre, toute une industrie bloquée, sans compter un appauvrissement grandissant de la culture (…)
Nous ne prétendons pas être essentiels mais nous prétendons à la justice envers notre écosystème, soit près d’un million de personnes pour le secteur de la culture.
Si on nous met à mort, nous voulons connaître l’accusation. Nous voulons pouvoir nous défendre face à autre chose que le vide et l’absurdité de ce qui nous est infligé.
Pour le moment, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, continue de défendre la décision du gouvernement. Lors d’un échange sur Twitter avec Pierre Niney, celle-ci avance un argument : d’autres pays européens (l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la Hongrie ou l’Italie) ont du se résoudre à des mesures similaires. Reste à prouver leur efficacité.