« La Morsure » de Romain de Saint-Blanquat : coming-of-age sanglant

L’adolescence comme un conte horrifique : c’est ce que raconte si bien Romain de Saint-Blanquat dans son tout premier long métrage, dans lequel un bestiaire romantico-fantastique croise un récit très personnel sur le passage à l’âge adulte.


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On oublie parfois que certains chefs-d’œuvre du cinéma fantastique sont français, à commencer par Les Yeux sans visage (1960) de Georges Franju. S’il n’est pas son remake, La Morsure est traversé par un même souffle romantique. Et révèle lui aussi une actrice incandescente, Léonie Dahan-Lamort, dont la grâce a quelque chose d’atemporel. Ça tombe bien : Romain de Saint-Blanquat nous plonge en 1967, dans l’internat d’un lycée catholique, soit un an avant la rébellion de 1968. Un an qui semble alors une éternité, tout comme la nuit que Françoise (Léonie Dahan-Lamort) s’apprête à passer ; une nuit qu’elle a rêvée comme la dernière avant sa mort. Décidée à en profiter, elle entraîne son amie Delphine (Lilith Grasmug) pour une fête costumée…

D’une beauté crépusculaire, le film documente à merveille une époque dont il emprunte le violent rigorisme et le phrasé mélodieux. La féerie découle ainsi paradoxa­lement de tout un travail de reconstitution, hanté par l’imaginaire religieux et le mysticisme rural. Pas de monstre tapi dans l’ombre ici, mais une jeunesse qui se confronte à ces histoires-là, le temps d’une nuit transgressive, où tous les chats sont gris et d’où surgissent des personnages étranges. En l’occurrence un vampire nommé Christophe (Maxime Rohart), engoncé dans son costume à en devenir quasi ridicule. Romain de Saint-Blanquat va pourtant ménager une place à cet oiseau fragile, l’inviter aux côtés de son héroïne.

Un film d’une beauté crépusculaire.

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Et c’est le plus beau mouvement du film, celui qui en dévoile l’intention secrète : n’y aurait-il pas un peu du cinéaste dans ce vampire inadapté au monde ? Le récit s’abandonne enfin au duo formé par Christophe et Françoise, cette dernière suspendue à la funèbre prophétie initiale. Tenir jusqu’au bout de la nuit revient alors à défier ses cauchemars, ceux d’un âge qui s’envole avec l’aube. Et peu importe qu’ils soient futiles, bizarres, grotesques , comme nous dit La Morsure. Nous voilà bouleversés qu’un film prenne au sérieux nos rituels adolescents, qu’il les accueille comme ses enfants.

La Morsure de Romain de Saint-Blanquat, KMBO (1 h 27), sortie le 15 mai

Image : © Easy Tiger, BNP Paribas Pictures