« Jour de gloire » : à quoi pourrait ressembler ce film tourné en direct le soir de la présidentielle ?

Tourné et diffusé en direct sur Arte, ce plan-séquence, dont le dénouement dépendra des résultats du scrutin, promet d’immortaliser ce rendez-vous historique en laissant le réel s’infiltrer dans la fiction.


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La perspective des débats télévisés précédents les élections vous met d’humeur morose ? Arte propose de vivre ce moment historique un pied dans la fiction, un pied dans le réel. Le 24 avril entre 19h et 20h05, la chaîne diffusera un projet ovni imaginé par Jeanne Frenkel et Cosme Castro (Adieu Bohème, 2017), duo de créateurs français biberonnés à l’univers déjanté de Michel Gondry, et passionnés de performances hybrides où se confondent théâtre et cinéma. Sa particularité ? Ce plan-séquence d’une heure et cinq minutes sera retranscrit en direct, pour capturer l’effervescence du compte à rebours du second tour.

DU « META-CINEMA »

Un ambitieux projet baptisé « méta-cinéma », présenté hier par les réalisateurs lors d’une conférence de presse en ligne et en live (mise en abîme oblige), depuis le village du Lot-et-Garonne qui a servi de théâtre vivant à cette expérience insolite. On les retrouve en compagnie du casting (Félix Moati, Julien Campani, Julia Faure et Kamel Abdessadok) pour une visite guidée des lieux du crime. Une mairie traditionnelle, le café Paradiso où se retrouvent les habitants, une maison familiale où trône un arbre imposant, un food truck où le musicien lunaire Flavien Berger jouera un concert.

Voilà les points cardinaux de cette fiction qui mettra en scène les retrouvailles entre Félix, plutôt pro Macron, et Julien, son frère aîné, désabusé par la politique. Alors qu’ils doivent régler les formalités liées au décès de leur mère, ces deux frères que tout oppose vont être confrontés à des imprévus…

Félix Moati, jeune sage

CHALLENGE NARRATIF

Ne vous y trompez pas. Jour de gloire – un titre tiré de l’hymne La Marseille, dont Jeanne Frenkel souligne la dimension cynique – n’est pas un film politique. « On aime bien dire que les élections présidentielles sont la météo du film, mais il s’agit d’une histoire intime et familiale. Pendant cette heure-là, il y aura comme un moment suspendu à la télévision, durant lequel on n’aura rien le droit de dire. On a choisi de raconter une petite histoire dans la grande histoire », poursuit Cosme Castro.

Outre le défi technique – filmer pour la première et dernière fois une chorégraphie minutieusement orchestrée et répétée pendant une semaine grâce à des caméras embarquées et des antennes 4G -, il s’agit d’explorer une forme de narration instantanée, capable de dialoguer avec les émotions du spectateur : « On aime l’ultra organique, l’outil technologique. Comment donne-t-on de la valeur à ce qu’on peut voir sur internet ? Peut-on encore donner rendez-vous aux spectateurs ? »

« LE REEL RENTRE PAR EFFRACTION »

Ici, le réel peut à tout moment venir parasiter le jeu des comédiens en fonction de l’issue du scrutin : « Si Marine Le Pen est élue, il va être difficile de ne pas filmer un effondrement. Le film sera témoin de cet effondrement, de cette anxiété », explique Félix Moati. Avant de rajouter : « Quand on produit de la fiction, la fiction s’introduit dans le réel. Là, c’est l’inverse, le réel rentre par effraction dans la fiction ». Si 85% du scénario a été bouclé après le premier tour, une part d’imprévu planera jusqu’à ce que le visage du Président de la République apparaisse à l’écran. Fin alternative prévue en amont, improvisation totale ? Les réalisateurs préfèrent ne pas écorcher le suspens de ce live-action présenté comme un voyage onirique : « Que ce soit Macron ou Le Pen, ça viendra nous perturber. Mais si on dévoile de quelle façon, on gâche la sève du film. » Défi vertigineux que de remettre de la fiction au cœur d’une élection qui a largement supplanté le réel par ses rebondissements romanesques.

Le film sera diffusé en direct sur Arte, YouTube, Facebook, puis sera disponible pendant trois mois.