Dans la pénombre d’une chambre d’hôpital, Joe (Timothy Bottoms) se réveille et découvre bientôt l’horreur. Le jeune américain parti au front a été retrouvé grièvement blessé par un obus, le laissant supposément sans pensée, ni sensation. Dissimulé sous un drap, on ne verra jamais ni son visage, ni son corps, mais on imagine l’ampleur du désastre. Alors que la direction des armées le croit totalement inconscient de sa situation, Joe, finalement, se souvient…
Entre scènes d’hôpital – capturées en noir et blanc -, et ravivement coloré des souvenirs de Joe, (avec entre autres l’apparition d’un Donal Sutherland comme figure christique), cette œuvre protéiforme nous transporte dans la tête d’un mutilé de guerre, à la terrible destinée : celle de n’être jamais plus qu’un corps pensant, déconnecté du monde, vacillant entre rêve, souvenir et réalité.
Pourtant voué à l’enfer, le jeune garçon, aussi réaliste soit-il sur sa condition, parvient à montrer un optimisme à toute épreuve, allant même jusqu’à imaginer devenir une célèbre bête de foire, à la manière de l’Elephant Man (1980) de David Lynch. Mais dans cette obscurité constante, le désespoir n’est jamais loin.
Adapté du roman éponyme de son réalisateur Donald Trumbo, publié en 1940 alors que la Seconde Guerre mondiale vient d’éclater, Johnny Got His Gun remporte le Grand Prix du Jury à Cannes en 1971 et devient alors une œuvre de référence des mouvements antimilitaristes engagés contre les atrocités de la guerre du Vietnam.
Unique long-métrage du scénariste, à qui l’on doit aussi les scénarios de Vacances Romaines (1953) ou encore celle de Spartacus (1960) de Stanley Kubrick, le film résonne comme un étrange chant pacifiste au pied d’un cauchemar sans nom.
Johnny Got His Gun de Donald Trumbo (Malavida, 1h52), ressortie le 11 septembre