JOËL POMMERAT : MARIUS [THÉÂTRE]
Lorsqu’il a créé Marius avec des détenus de la maison centrale d’Arles, dans laquelle il anime des ateliers de théâtre depuis 2014, Joël Pommerat s’est engagé à rejouer la pièce avec eux hors les murs. Promesse tenue, puisqu’il fait maintenant jouer plusieurs ex-détenus dans la tournée. On connaît le metteur en scène pour ses atmosphères brumeuses et intimistes, embrassant la complexité humaine : pour parler politique dans Ça ira (1). Fin de Louis (2015) ou transhumanisme avec Contes et légendes (2019). À l’inverse, Marius fait fi des clairs-obscurs pour mettre en scène l’intrigue de la pièce originale (écrite en 1929 et adaptée à l’écran en 1931) dans un cadre réaliste et contemporain : un salon de thé-boulangerie marseillais – frigo rempli de canettes et glacière Miko –, teinté d’une simplicité quotidienne.
Marcel Pagnol, un brillant cinéaste de l’avant-garde à redécouvrir
Ce qui ne change pas, en revanche, c’est la pâte de dramaturge de Pommerat. Souvent qualifié d’« écrivain de spectacle », il réinvente ici le premier volet de la trilogie marseillaise de Marcel Pagnol en conviant les comédiens au processus d’écriture de cette pièce construite au gré d’improvisations. Leur personnalité, leur gouaille et leur accent donnent une profondeur à ce drame, qui raconte les hésitations de Marius (fils de César, le propriétaire de la boulangerie) entre son amour pour Fanny (qui travaille dans un salon de coiffure) et son désir d’ailleurs. La pièce Marius porte en elle son processus de création : le désir d’évasion, de jeu, de théâtre et les imaginaires vagabonds des participants du projet initial, restreints par le cadre carcéral. Elle entend aussi dépasser ce dispositif, nourrie par la complicité touchante entre les comédiens et l’habileté de Pommerat à les diriger. Et l’on assiste au jaillissement d’une conception collective et généreuse du théâtre.
Marius, à Points communs – Théâtre des Louvrais (Pontoise), du 14 au 16 novembre ; à la Scène nationale de l’Essonne – Agora-Desnos (Évry), les 19 et 20 novembre ; à la MC93 (Bobigny), du 29 novembre au 8 décembre
BENJAMIN MILLEPIED : GRACE. JEFF BUCKLEY DANCES [DANSE]
Le chorégraphe Benjamin Millepied innove en rendant hommage à la légende du folk-rock Jeff Buckley, interprète du morceau « Hallelujah ». Tragiquement disparu à 30 ans, Buckley est érigé au rang de mythe dans ce spectacle où se mêlent danse, vidéo, poésie, images documentaires et performances live. Une œuvre d’art totale qui ranime l’âme du grand musicien.
par Benjamin Millepied, à La Seine musicale (Boulogne-Billancourt), du 5 au 10 novembre
IVO DIMCHEV : TOP FAVES PERFORMANCE [PERFORMANCE]
Le troll bulgare débarque en France ! Chanteur, metteur en scène et chorégraphe, Ivo Dimchev dévoile Top Faves, un concert en partie improvisé, rythmé par des interactions avec le public. Muni d’un piano, il fait résonner sa voix éthérée dans ses chansons pop lubriques, empreintes d’un désir queer assumé. Provocateur à souhait, il promet un moment burlesque et hilarant.
d’Ivo Dimchev, à la Ménagerie de Verre, le 23 novembre
MOHAMED BOUROUISSA, ZAZON CASTRO : QUARTIER DE FEMMES [SEULE EN SCÈNE]
À quoi ressemble la vie carcérale dans le quartier des femmes ? Zazon Castro et Mohamed Bourouissa dévoilent un seul en scène pour la comédienne Lou-Adriana Bouziouane, qui pioche dans les codes du stand-up. Dans cet Orange Is the New Black à la française, désir lesbien réprimé et corvées de lessive montrent comment le patriarcat sévit entre les murs des prisons. • B. M.
de Mohamed Bourouissa, Zazon Castro, au Théâtre du Rond-Point, du 5 au 17 novembre ; à Points communs – Théâtre 95 (Cergy), les 21 et 22 novembre