« Il Mio Corpo » est un film qui fait davantage confiance à la puissance sensorielle du cinéma qu’au didactisme des faits de société.
Au début du documentaire, Oscar, petit Sicilien à crête, trouve dans les débris d’une décharge où il ramasse de la ferraille une statue de la Vierge Marie – miracle, elle est intacte. Dans la scène qui suit, Stanley, Nigérian ayant obtenu depuis peu son titre de séjour, nettoie les dalles de marbre d’une église aux murs d’un blanc immaculé. En quelques plans, par l’intermédiaire d’un montage alterné, l’imagerie religieuse que fabrique ce somptueux film (issu de la sélection 2020 de l’ACID) scelle les destins de ces deux inconnus qui ne cessent de se croiser sans jamais vraiment se rencontrer – si ce n’est lors d’un épilogue onirique.
Troisième volet d’une trilogie sicilienne débutée en 2013 par son auteur, mais premier à sortir en France, Il mio corpo est une tragédie de l’existence, un conte tristement contemporain avec ses oubliés et ses marcheurs qui survivent. Mais c’est un film qui fait davantage confiance à la puissance sensorielle du cinéma qu’au didactisme des faits de société.
Il trouve dans le mariage entre ce qui s’apparente à un idéal documentaire (une captation du réel dans sa plus limpide représentation, un principe de naturel rendu ici par un long travail de préparation et de rencontres) et une stylisation de son monde (transcendance des éléments, le son du vent, la lumière du levée du jour, celle de la nuit qui tombe) capturé en format Scope, une façon de s’élever au-dessus du sol, d’embrasser une réalité pour la sublimer (sans jamais l’esthétiser) et de mêler l’intime au politique en confiant les reines de son récit à ces deux corps en mouvement qui fuient une vie mais n’arrivent nulle part.
Il mio corpo de Michele Pennetta, Nour Films (1 h 20), sortie le 26 mai
Image : (c) SWEET SPOT DOCS