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I.A. QUOI ? · Question de choix

  • Julien Dupuy
  • 2023-09-08

En pleine grève des acteurs à Hollywood, la société Largo.ai invite les comédiens à un étonnant projet, le « 100 Actors Program » : grâce à son algorithme, il propose aux acteurs de croiser leurs aptitudes et leurs performances passées avec les recherches de comédiens pour des projets en cours.

L’édito de Julien Dupuy. L’annonce semblait si surréaliste que le « Casting Society », l’association professionnelle des directeurs de casting, a d’abord cru à un canular. En pleine grève des acteurs à Hollywood, la comédienne Charisma Carpenter (Buffy contre les vampires, Expendables : Unité spéciale) a révélé sur les réseaux sociaux avoir reçu une étonnante proposition de Largo.ai. Cette société suisse l’invitait en effet à souscrire au projet « 100 Actors Program » : grâce à son algorithme, la compagnie propose aux acteurs de croiser leurs aptitudes et leurs performances passées avec les recherches de comédiens pour des projets en cours.

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En fonction du résultat obtenu, les acteurs qui souscriraient à Largo.ai pourraient directement interagir avec ces employeurs potentiels sans aucun intermédiaire. Autrement dit, sous prétexte d’accélérer cette étape de la préproduction, l’I.A. suisse menace directement les directeurs de casting. Ce faisant, elle nie l’importance de ce maillon de la fabrication des films qui peut faire jouer son intuition et sa sensibilité pour promouvoir un comédien voire, parfois, pour donner une nouvelle impulsion à la carrière d’un artiste coincé dans la même typologie de rôle. Comme on pouvait s’y attendre, la révélation de Carpenter a ému au plus haut point les grévistes, d’autant plus que Largo.ai, alors contraint de s’expliquer, a révélé que leur I.A. est déjà gratuitement mise au service des producteurs en quête de comédiens depuis plus de quatre ans !

Mais le fait que l’actrice utilise elle-même Instagram pour lancer cette alerte ne manque pas d’ironie. On peut en effet rappeler que les I.A. jouent déjà un rôle prépondérant dans les carrières des acteurs dans la mesure où la plupart d’entre eux nourrissent leur popularité en se soumettant aux diktats des algorithmes des réseaux sociaux. L’importance de la popularité numérique d’un comédien et sa représentation sur Internet n’est en effet plus un mystère. L’actrice Sophie Turner a même révélé récemment avoir remporté un rôle grâce à sa notoriété sur Instagram.

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En attendant que la grève des comédiens permette la mise en place d’un cadre juridique à cette course à l’I.A. dans laquelle aucun secteur du grand écran n’est épargné, le plaidoyer du président de Largo.ai, Sami Arpa, se conclut sur une phrase qui souligne, malgré elle, l’absurdité de cette frénésie pour les technologies numériques : « Certains affirment que notre objectif est de remplacer tous les professionnels de l'industrie par l'automatisation. Mais, si c’est le cas, il faut se demander qui seraient alors nos clients ? » CQFD !

I.A. PLAYLIST

Gorkab est indéniablement le plus grand spécialiste français des débuts de l’utilisation du numérique au cinéma. Il le prouve de nouveau avec la seconde partie de son excellent documentaire sur Digital Production, une société pionnière qui a, notamment, travaillé sur Tron ou Starfighter (en VOST).

L’internaute Alpavica a imaginé, via le générateur d’images Midjourney, à quoi pourrait ressembler un parc d’attraction dédié à l’œuvre de Stephen King. Les amateurs du « maître du macabre » pourront s’amuser à y déceler des références à Cujo, Ça, Shining – l’enfant lumière ou encore Christine.

Et si Les Aventuriers de l’Arche Perdue avait été cadré en format vertical pour un Smartphone ? C’est ce que propose Pietro Schirano sur sa page X/Twitter en exploitant les capacités d’expansion d’une image grâce aux I.A.

La romance virtuelle du film Her n’est plus de la fiction : la preuve avec deux étonnants témoignages proposés dans l’excellente émission de Sonia Kronlund sur France Culture, « Les Pieds sur Terre » qui forment un écho troublant au film de Spike Jonze.

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I.ARTISTE

Le prolifique Paul Trillo, dont les courts-métrages ont été à dix-huit reprises sélectionnées par les programmateurs de Vimeo pour leur qualité, propose avec Thank You For Not Answering le monologue intérieur d’un amant éconduit. Ses atermoiements prennent la forme d’une rêverie poignante et étrange, dans laquelle le présent s’étiole dans des souvenirs fantasmés.

« J’ai suivi les cours d’une école d’art pour apprendre les bases du cinéma expérimental, tandis que je me formais durant mon temps libre aux effets spéciaux et au motion graphics. Au sortir de mes études, j’ai commencé à étudier la possibilité de faire du cinéma expérimental en me servant de mes connaissances dans les technologies numériques. Le virage vers les I.A. m’est donc venu très naturellement.

Thank You For Not Answering vient initialement de mon désir de raconter l’histoire d’un homme laissant un message à une ancienne amante et qui se souvient de ce que sa vie aurait pu être s’ils étaient restés ensemble. Ce projet a stagné un certain temps jusqu’à ce que je découvre Gen-2 de Runway : c’est comme si cet outil et mon concept avaient initié un dialogue. J’aime en particulier le fait de pouvoir exploiter l’I.A. pour créer de faux souvenirs. Mon court-métrage s’est aussi, un peu malgré moi, nourri de mon amour pour Paris, Texas de Wim Wenders et le cinéma de David Lynch, dont j’adore l’étrangeté.

J’ai bien conscience qu’il émane de mon film un grand sentiment de solitude qui vient en partie du processus de travail avec les I.A. : je n’ai pas créé ce film en étant cerné d’une équipe et en discutant avec des acteurs, mais seul, face à mon clavier et à ma souris. Mais je voulais aussi travailler les contrastes pour faire ressentir la solitude du personnage central. En l’occurrence le désert stérile représente le présent du récit. En revanche, l’eau est la rémanence du passé, ou du moins d’un passé fantasmé. D’ailleurs, il me semble que les souvenirs peuvent être un peu troubles, comme submergés par le déroulement nos vies. J’aimais aussi le défi que représente techniquement la représentation de l’eau, qui est un élément particulièrement difficile à concevoir en images numériques et par conséquent avec une I.A.

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J’exploite les I.A. principalement pour les accidents heureux que les générateurs proposent. Mon processus créatif peut s’apparenter à une danse avec la machine : je la lance sur une idée, elle me répond sur cette première impulsion avec une proposition quelque fois très différente. L’I.A., pour moi, est donc plus qu’un outil, c’est un collaborateur : elle me permet de m’arracher à mes doutes, d’aérer mes pensées. Et la possibilité d’explorer d’infinies variations d’une même idée, tout en visualisant des concepts qui peuvent être très abstraits, est pour moi libérateur. À mon sens, l’I.A. n’est pas là pour remplacer la créativité humaine, mais bien pour la nourrir, pour nous aider à trouver de nouveaux moyens de raconter des histoires et de créer des visions qui résonnent profondément en nous. J’ai l’impression de commencer à peine à gratter la surface des possibilités de ce nouveau territoire. »

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