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Guy Gilles, retours au pays
- Josephine Leroy
- 2018-10-12
Redécouvert sur le tard, Guy Gilles (1938-1996) a traversé l’histoire du cinéma français en solitaire. Proche de la Nouvelle Vague à ses débuts (il a assisté Jacques Demy sur « La Luxure », sketch des Sept Péchés capitaux, film collectif sorti en 1962), il a aussi, dans les années 1970, fréquenté la bande des productions Diagonale.
Redécouvert sur le tard, Guy Gilles (1938-1996) a traversé l’histoire du cinéma français en solitaire. Proche de la Nouvelle Vague à ses débuts (il a assisté Jacques Demy sur « La Luxure », sketch des Sept Péchés capitaux, film collectif sorti en 1962), il a aussi, dans les années 1970, fréquenté la bande des productions Diagonale (Paul Vecchiali, Marie-Claude Treilhou…), avant de tracer sa route hors des collectifs, signant une œuvre pleine de sensualité et de nostalgie, notamment pour l’Algérie où il est né et a grandi (L’Amour à la mer, 1965).
L’idée d’errance en terre natale qui file dans ses films se retrouve dans les photographies du cinéaste, prises entre les années 1960 et 1990 sur les deux rives de la Méditerranée (Nice, Tunis, Tanger, Cherchell), d’où resurgissent ses souvenirs d’enfance et d’adolescence. Dénichées l’année dernière chez le cousin de Guy Gilles par deux jeunes gens passionnés – Mélanie Forret, qui prépare une thèse sur le cinéaste, et Renan Prévot, acteur vu notamment chez Yann Gonzalez –, ces images inédites sont présentées jusqu’en novembre dans l’exposition « Guy Gilles : exposé, paupières closes » à la galerie Patrick Gutknecht. Renan Prévot en commente pour nous quelques-unes.
Prise sur la jetée, Cherchell, 1964
« Cette jetée avec des enfants algériens rappelle Le Clair de terre (1970) ou Le Jardin qui bascule (1975). En regardant les planches-contacts, on se rend compte qu’il se promenait beaucoup et rencontrait tous ces enfants au hasard des rues. Et il faut regarder aussi le détail de l’image et cette personne qui est assise, derrière, et qui regarde au loin l’appareil. Il faisait très peu de prises, il était très instinctif. »
Hors-Propos, Nice, 1964
« C’est une photo qui a l’air minimaliste et qui en même temps, avec sa texture, sa forme, ce visage isolé au milieu de cette eau vaporeuse, renvoie à la photographie des années 1930. Guy Gilles adorait le cinéma dit de “qualité française”. Il avait d’ailleurs tourné un reportage génial pour France Télévisions, Où sont-elles donc ? qui avaient pris cinquante ans dans les jambes. »
Des barreaux à son regard, Tanger, 1993
« Il y a énormément de portraits d’adolescents dans ses photos. Il allait sur les plages, un peu à la manière de Pier Paolo Pasolini qu’il avait, je crois, rencontré avec l’équipe de Diagonale. On est presque dans un portrait cinéma avec ce regard frondeur. »
Été algérien, Tunis, 1966
« C’est un portrait de Patrick Jouané. Ce qui est beau, c’est la manière dont Jouané va évoluer à travers les films de Guy Gilles. Il va vieillir sous ses yeux. À ce
titre, le plus beau film reste Nuit docile (1987) [Jouané y interprète le rôle d’un homme
qui quitte subitement son épouse, ndlr]. »
Au bon souvenir de Roland Lesaffre, Tunis, 1962
« Dans cette image, les affiches de cinéma ont presque autant d’importance que Patrick Jouané. Il le fait d’ailleurs poser près de Roland Lesaffre, un des premiers acteurs à avoir été estampillé gay. Quand Marcel Carné l’engageait dans ses films, on le lui reprochait… C’est plein de sens quand on connaît l’histoire personnelle de Guy Gilles. »
: « Guy Gilles : exposé, paupières closes » à la galerie Patrick Gutknecht