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« Good One » d’India Donaldson : un puissant coming-of-age forestier

  • Marilou Duponchel
  • 2024-11-08

[CRITIQUE] Présenté à la Quinzaine des cinéastes en mai dernier, ce récit d’apprentissage plus âpre qu’il n’y paraît impressionne. Limpide, ce premier long métrage raconte les effets sidérants d’une misogynie ordinaire.

Rares sont les films qui, en cours de route, l’air de rien, parviennent à modifier la vision que l’on en avait au départ. Good One est de ceux-là. Pour son premier long métrage, India Donaldson imagine la virée bucolique, au cœur des montagnes de Catskill, dans l’État de New York, de Sam (Lily Collias, fascinante, à la fois lisible et indéchiffrable). À 17 ans, elle préférerait passer le week-end avec ses amis, mais elle accepte de rejoindre son père Chris et un ami à lui. Là, India Donaldson établit une chronique somme toute ordinaire mais gracieuse, attentive aux liens et aux dissonances suscités par l’écart générationnel entre les quinquagénaires aux manières viriles maladroites mais inoffensives et Sam, réservée mais pas farouche. 

Good One rappelle un peu le Old Joy de Kelly Reichardt dans la manière qu’il a d’écouter et d’observer la nature, ses couleurs et son frémissement, de l’envisager comme un sas à la temporalité ondulante. Le charme et la joliesse du film opèrent indéniablement mais sa bonne tenue pourrait le rendre anecdotique, si la cinéaste n’avait pas l’ingéniosité de tout renverser, en faisant intervenir dans son récit une petite phrase qui sonne, pour Sam, comme un insupportable rappel à l’ordre sur sa condition de femme et donc de proie potentielle.

En quelques secondes jaillit une misogynie banale, jusqu’alors contenue dans le film, éclairant d’un œil nouveau la docilité et l’indulgence dont faisaient preuve Sam envers les protagonistes masculins balourds mais attachants. Ce sursaut permet ainsi d’analyser cette bienveillance née comme un impératif patriarcal imposés aux petites filles pour qu’elles se tiennent sages et soient toutes des « good one ». C’est toute la force du film que de faire état de cette injonction brutale dans un écrin paisible. S’il est un conte d’aujourd’hui, c’est bien parce que Good One n’a pas oublié que dans chaque forêt, les plus enchanteresses, se cachent toujours des prédateurs aux larges sourires.

: Good One d’India Donaldson (New Story, 1h30), sortie le 13 novembre

Image Copyright International Pigeon Production

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