GEn.A : c’est la génération engagée qui invente le monde d’après. Chaque semaine, Trois Couleurs part à sa rencontre pour tirer le portrait de jeunes artistes résistant.e.s, passionnant.e.s, exalté.e.s. Aujourd’hui, rencontre avec la photographe et cinéaste Louise Fauroux, 23 ans.
« Culture et soirées queer, tournages partout, pleins de lieux familiers, Los Angeles m’est apparue comme un grand plateau où je pouvais tout construire, tout explorer. »
Elle a grandi en saignant les DVD des tournées de Britney Spears, en matant en cachette les films du New Queer Cinema et en jouant aux Sims dans son village de l’est de la France. Un joyeux mélange de références qu’on retrouve dans son génial This Is How The World Ends, qui a remporté le prix du meilleur montage de notre concours du court métrage confiné l’an dernier.
Louise Fauroux se décrit comme une « enfant de la bedroom culture » et relie la découverte du cinéma et la construction de son identité queer. « Petite, j’étais plus Brandon Teena de Boys Don’t Cry que Dorothy Gale du Magicien d’Oz. » Au lycée, elle se lance dans la photo argentique puis glisse vers la réalisation – elle navigue maintenant entre les deux pratiques. Actuellement en double cursus aux Arts Déco de Paris et à l’Ecal, une école d’art en Suisse, elle vient de signer le clip numérique et psyché d’Under My Skin pour Mickey van Seenus et elle tourne aussi un moyen métrage à Los Angeles sur un « groupe de cinéastes révolutionnaires hollywoodien.nes des années 30 qui se sont battu.e.s pour faire des films où iels mettent l’expérience féminine et queer en avant, en pleine mise en place du Code Hays. » Seulement 23 ans et un univers dément.
LE DÉCLIC
« Mon premier séjour à Los Angeles aux Etats-Unis. Je venais d’avoir 17 ans et je suis allée voir mon ami d’enfance qui était parti vivre là-bas. Culture et soirées queer, tournages partout, pleins de lieux familiers, la ville m’est apparue comme un grand plateau où je pouvais tout construire, tout explorer : les relations, la spiritualité, l’art, l’absurde, l’image, les sons, les odeurs, la beauté. C’est là-bas que j’ai commencé à filmer des courtes interviews, j’avais une DV avec une cassette et un micro-cravate et je préparais un documentaire sur des médiums, des voyant.e.s qui tiennent des boutiques dont les vitrines se succèdent sur les boulevards de la ville. »
LE FILM QUI L’INSPIRE
« Crash, l’adaptation de 1996 par David Cronenberg du roman de J.G. Ballard. C’est ma plus grosse claque. Il contient toutes les thématiques qui me préoccupent : les limites du corps et du moi, la transition de l’organique à l’inerte – et réciproquement -, la transhumance, la démiurgie, le hasard, l’accident, la fragilité de l’existence, le désir, l’amour et la sexualité au-delà de l’hétéronormativité, la place de la communauté, la reproduction et la réinvention des organes sexuels, la limite entre le cinéma mainstream et pornographique, l’influence de l’objet sur le corps, le tout sur une symphonie d’un orchestre métallique et dans une “dinguerie de la jouissance”. Depuis que j’en ai trouvé le scénario sur internet, un des premiers brouillons, je ne le lâche plus. J’imagine les plans des scènes présentes dans ce manuscrit de septembre 1994 qui n’ont jamais vu le jour, soit pas tournées soit coupées au montage. Il y a tant de substances et de lectures possibles. »
Son Instagram : @louisefauroux