« Tehachapi » de JR : un docu puissant sur une prison américaine

Dans le sillage de son travail photographique, entre sociologie et geste conceptuel, l’artiste français (« Face 2 Face », « Inside Out », « Visages villages ») donne à voir les visages ostracisés de prisonniers américains. Et signe un de ses documentaires les plus politiques, à la fois critique du système carcéral et éloge du pardon.


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Hypermédiatisé et anonyme derrière ses lunettes noires, amateur de dispositifs grandioses et observateur ultra lucide des réalités sociales qu’il décortique, l’artiste français JR, rendu célèbre par ses collages photo, n’est pas à un paradoxe près. C’est cette ambiguïté qui a fait de lui un passionnant portraitiste des minorités et des oubliés.

ENTRETIEN: Agnès Varda et JR

Lors des émeutes en banlieue provoquées par la mort à Clichy-sous-Bois, le 27 octobre 2005, de Zyed Benna et Bouna Traoré, coursés par la police, il agrandit les visages des émeutiers sur les murs de Montfermeil ; en 2017, il placarde à la frontière américano-­mexicaine une fresque montrant des yeux, pour protester contre le mur érigé par l’administration Trump. Tehachapi creuse encore ce sillon politique à travers la reconnaissance et l’exhibition de l’altérité.

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Pendant trois ans, JR a travaillé avec les détenus d’une prison de haute sécurité située dans le désert californien. Surnommée Supermax, cette citadelle incarne la politique carcérale déshumanisante des États-Unis : en grande majorité condamnés pour des délits commis alors qu’ils étaient mineurs, certains de ces criminels ne reverront jamais le monde extérieur. Armé de son appareil photo et de son portable, curieux mais jamais intrusif, JR imprime les stigmates de leur peau, les rides et les remords, en multipliant les effets de mise en scène (voix off introspectives, plans silencieux sur les espaces carcéraux).

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L’artiste touche soudain à une dialectique inattendue : tandis que les détenus collent leur portrait dans la cour de la prison, ils expriment l’envie d’effacer leurs tatouages de skinhead ou leur croix gammée, derniers vestiges d’une jeunesse violente, d’une appartenance révolue à des gangs. Faire disparaître une marque du passé pour la remplacer par une nouvelle image, c’est précisément l’exercice de réhabilitation que la société refuse à ces détenus, et que JR leur offre. En cela, Tehachapi est un documentaire précieux sur les plaies qu’on colmate par l’art, l’ostracisme social qu’on combat par le renouvellement de l’identité.

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Tehachapi de JR, mk2.Alt (1 h 32), sortie le 12 juin

Image : ©Marc Azoulay, Camille Pajot et JR