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OLDIES · "Faux-semblants" de David Cronenberg : à double tranchant

  • Enora Abry
  • 2023-10-27

[CRITIQUE] Trente-cinq ans après sa sortie, le onzième film du réalisateur de “La Mouche” revient sur nos écrans en version restaurée 2K. Une occasion de (re)découvrir cette œuvre aussi fascinante que déconcertante, mettant en scène deux jumeaux - bien trop - parfaits.

Qui est qui ? C’est la question que l’on se pose tout le long du film face à ses deux protagonistes principaux : Beverly et Elliot Mantle, des jumeaux absolument indissociables. Même physique, même profession - ils sont gynécologues - et même appartement... Les frères quadragénaires partagent tout, femmes incluses. Ils échangent leurs prénoms au gré de leurs envies si bien que la performance hors-norme de Jeremy Irons qui les incarne tous deux ne parvient à dissiper le doute sur leurs véritables identités. 

La "saga des frères Mantle”, comme ils aiment à l’appeler, est une démonstration de maîtrise : les sentiments ne viennent jamais brusquer leurs paroles et tout ce qui les entoure est excessivement propre et froid (de leur appartement au bloc opératoire). Les plans fixes, étirés en longueur, soulignent la précision de chacun de leur geste. Mais un jour tout déraille quand arrive - bien évidemment - une femme. Claire Niveau, actrice, présente un cas extrêmement rare : elle a trois utérus. Beverly en tombe amoureux et prend ses distances avec son frère. 

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Ici, le maître du body horror ne filme pas des corps déformés et sanguinolents. La déformation est psychanalytique, son deuxième thème de prédilection (A Dangerous Method, son film sorti en 2011, convoquait les figures de Carl Jung et Sigmund Freud, eux-mêmes embourbés dans un triangle amoureux dévastateur avec leur patiente, Sabrina Spielrein). Écartés l’un de l’autre, les jumeaux sombrent dans la folie et l’addiction aux psychotropes. L’anomalie “Claire” va jusqu'à détraquer la mise en scène : les plans s’étendent encore, la musique pourtant peu présente devient oppressante et les décors auparavant si blancs sont recouverts de saleté.

Inspiré de l’histoire des gynécologues américains Stewart et Cyril Marcus, Faux-semblants marque un tournant dans la filmographie de David Cronenberg qui inaugure non seulement une relation de longue durée avec son chef opérateur Peter Suschitzky (Le Festin nu, sorti en 1991 ; eXistenZ, sorti en 1999), mais l'impose surtout comme un des cinéastes les plus doués pour mettre en scène les détraquements du corps comme de l'esprit humains.

Faux-semblants de David Cronenberg (Capricci, 1h55), sortie le 25 octobre.

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