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Sarah Maldoror : la cinéaste pionnière du cinéma panafricain à l'honneur au Palais de Tokyo
- Cannelle Anglade
- 2022-03-04
La première exposition et rétrospective dédiée à la cinéaste française se terminera le 20 mars prochain. Plus que quelques jours pour plonger dans l’œuvre détonante et internationale de la réalisatrice engagée.
Au sous-sol du Palais de Tokyo (situé dans le 16e arrondissement de Paris), dans l’espace aujourd’hui consacré à Sarah Maldoror (1929-2020), une dizaine de toiles sont étendues. Sur leurs surfaces lisses sont projetés des fragments de l’œuvre de l’artiste, comme une vaste mosaïque nous permettant de comprendre l’entendue de son travail, d’un simple regard.
CINÉMA TRICONTINENTAL
Car le monde, Sarah l’a sillonné en long et en large, d’Angola (Sambizanga, 1972) au Cap-Vert en passant par la Guinée-Bissau. Dans les années 1970 et 1980, elle est une pionnière du cinéma panafricain, représentante des luttes de libération qui se déploient en Afrique lusophone, mais également en Asie et en Amérique Latine.
Caméra au poing, la cinéaste fait le tour de monde et rencontre les figures majeures du mouvement de la Négritude comme Léon-Gontran Damas, à qui elle consacre un court-métrage (Guyane, 1955), Aimé Césaire (Miami Martinique, le masque des mots, 1986) et Léopold Sédar Senghor.
En 1971, alors qu’elle monte son film Des fusils pour Banta – qui suit les combattants d’un village de l’archipel Bijagós en Guinée-Bissau -, Maldoror est expulsée d’Algérie. On lui reproche une trop grande importance accordée aux femmes dans la guérilla. Les bobines lui sont confisquées et le film reste inachevé. Les combats contre la censure et la recherche compliquée de financement lui rendront systématiquement la vie dure - un parcours semé d'embûches auquel l'exposition rend hommage, dans une démarche de réhabilitation.
« Je me refuse à réaliser un gentil petit film nègre »
Les films de Sarah Maldoror, résolument politiques, ne le sont pas seulement, et la frontière avec la fiction est poreuse. Un dessert pour Constance (1981) raconte, avec beaucoup d’humour, la quête de deux balayeurs de la ville de Paris, originaires d’Afrique, s’inscrivant à un jeu télévisé culinaire franco-français afin de gagner l’argent nécessaire au rapatriement de leur ami au « pays », lointain et désiré. Bien qu’appartenant au genre de la fiction, ce moyen-métrage prend des allures documentaires, puis parodiques, jusqu’à devenir un film au suspens intenable.
Sarah Maldoror a puisé dans toutes les ressources narratives possibles et imaginaires, mis en scène Les Nègres de Jean Genet avec la compagnie des Griots. Porte-parole de la troupe exclusivement composée de comédiens noirs, elle est interrogée par Marguerite Duras, qui titre l'entrevue « La Reine des nègres vous parle des blancs » pour France Observateur en 1958 (une page montrée dans l'exposition, introuvable sur Internet).
Ce qui ressort de ces films combattifs (on trouve plus d'une trentaine de pépites géopolitiques), c'est que rien ne semblait décourager la cinéaste militante. On ne peut que vous conseiller de vous rendre de toute urgence au Palais de Tokyo.
Sarah Maldoror - Cinéma tricontinental jusqu'au 13 mars au Palais de Tokyo.
© Bildtjanst-H. Nicolaisen, portrait de Sarah Maldoror, photographie n&b, s.d., courtesy Annouchka de Andrade et Henda Ducados
Sarah Maldoror : Cinéma Tricontinental, saison " Six continents ou plus", Palais de Tokyo (26.11.2021 - 20.03.2022). © Aurélien Molle