Pas de fond d’or pour les icônes de Djordje Savic, mais la même fixité trompeuse qu’arborent les saints byzantins.
Né en 1982 à Belgrade, le peintre serbe, qui a collaboré avec des églises orthodoxes en Serbie, Macédoine et Allemagne, renouvelle la peinture religieuse en enveloppant ses figures hiératiques d’un halo pop, à la limite du kitsch. Cheveux verts, peau bleue, mèches et fourrures débridées ; les personnages de Savic baignent dans un chromatisme qui rappelle une esthétique fantasy, expurgée de sa dimension lisse, tant ses visages expressionnistes exhibent la densité d’une âme.
L’artiste, qui peint à l’encaustique, explore l’extravagance de la couleur avec une liberté totale, l’exacerbe en vidant sa toile de tout ornement, compose des arrière-plans comme des monochromes d’éternité pour ses figures profanes. Jamais nommés, ses personnages évoquent la sainteté de l’ordinaire, plongé dans la couleur vive ; Savic invente le néo-symbolisme kitsch.
Quelques attributs – pinceaux, armes – suggèrent une humanité terrestre, tandis que leurs mains, dans des positions spécifiques, croisées, reprennent des motifs traditionnels de communion, et font signe vers le sacré. Reste peu de marque de temps ni de contexte sur ces figures qui semblent émerger de l’irréalité. Seule l’étrange sensation de leur âme mise à nue. Et leur visage, traversés de lignes composites, façon Arcimboldo sans fruits ni légumes, qui fixe le regard avec une intensité rare.
« Regards vers l’éternité » de Djordje Savić, jusqu’au 20 mai à la Galerie Boris (75003)