De jeunes femmes philippines ou africaines posent devant son objectif, le corps barré d’un ruban, à la façon de reines de beauté. Seules dans le cadre, elles surgissent de la nuit au milieu d’une zone industrielle ou sur une artère d’autoroute déserte aux confins de Beyrouth. Dans leur regard se lit autant de dureté que de détresse. Réfugiées sans papier, ces femmes se voient contraintes de travailler à la frontière libanaise et ne peuvent s’en échapper en raison de leur absence de statut social. Domestiques ou masseuses, elles vivent d’expédients. Plutôt que de s’épancher sur leur condition, l’artiste les transforme en créatures nocturnes, auréolées d’une beauté surnaturelle.
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Ainsi mises en valeur, elles retrouvent prestance et dignité au sein d’un monde devenu le théâtre d’événements sociopolitiques dont elles sont malgré elles victimes. Tirées de la série Miss Without Papers, les images frappent par leur gravité poétique. À travers la sophistication de leur mise en scène, la réalité la plus dure se mue en une fiction baroque. Dénuée de toute complaisance, Evangelía Kranióti saisit ce point de basculement où le mystère et le glamour peuvent surgir au détour d’un décor, d’une ombre, d’un éclairage ou d’un habit.
« Miss Without Papers », jusqu’au 23 décembre à la galerie Sator (Romainville)
Photos (c) Courtesy Evangelia Kranioti & Galerie Sator