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Été littéraire : on a sélectionné 14 livres à lire pendant vos vacances

  • Isis Hobeniche et Emma Moschkowitz
  • 2024-07-02

EN LIBRAIRIE

L’EMPIRE DE L’URGENCE OU LA FIN DE LA POLITIQUE

Depuis plus de vingt ans, d’événement en événement, d’attentat terroriste en crise sanitaire, l’urgence s’est immiscée dans notre quotidien. Elle ne suspend plus seulement le droit, mais aussi la vie collective, sociale, politique, et notre existence privée. Cet essai mobilise les racines conceptuelles de l’état d’urgence et les travaux de philosophes pour éclairer l’extension progressive des mesures d’urgence, ainsi que les libertés et les droits sur lesquels elle empiète : au cœur de la machine étatique, l’urgence prolonge le processus depuis longtemps amorcé de précarisation des structures sociales et du fonctionnement démocratique.

de Julien Le Mauff (Puf, 256 p., 18 €)

POST-POPULISME

L’Italie est un laboratoire géant de la politique européenne : fascisme, démocratie chrétienne, entrepreneuriat politique à la Berlusconi et populisme s’y sont développés, avant de devenir des lames de fond de la politique occidentale. A ce titre, l'arrivée de Giorgia Meloni au pouvoir en octobre 2022, à la tête d’une nouvelle coalition de droite, mérite d’être étudiée dans le détail. Grand spécialiste des mouvements politiques en Europe et en Amérique du Nord, Thibault Muzergues nous livre une analyse passionnante des origines et des conditions de la montée de ce mouvement post-populiste italien porté par Meloni.

de Thibault Muzergues (L’Observatoire, 256 p. 21 €)

DE L’UTILITÉ DU PARTI POLITIQUE

Cet essai se place à contre-courant des discours présentant le parti comme une forme d’organisation irrémédiablement périmée. Pour autant, il ne s’agit pas de proposer une réhabilitation sans nuances du phénomène partisan tel qu’il a existé par le passé, mais bien plutôt d’identifier ce qui a fait la force des partis de la classe ouvrière, sans dissimuler les limites et même les impasses qui ont été les leurs, et de penser cette forme d’organisation à nouveaux frais.

de Jean Quétier (Puf, 208 p., 18 €)

DES ÉLECTEURS ORDINAIRES

De 2016 à 2022, d’un scrutin présidentiel à l’autre, le sociologue Félicien Faury est allé à la rencontre de ceux qui votent pour le Rassemblement national, dans le sud-est de la France, berceau historique de l’extrême droite française. Il a cherché à comprendre comment ces électeurs se représentent le monde social, leur territoire, leur voisinage, les inégalités économiques, l’action des services publics, la politique. Il donne aussi à voir la place centrale qu’occupe le racisme, sous ses diverses formes, dans leurs choix électoraux. Le vote RN se révèle ici fondé sur un sens commun, constitué de normes majoritaires perçues comme menacées – et qu’il s’agit donc de défendre. À travers des portraits et récits incarnés, cette enquête de terrain éclaire de façon inédite comment les idées d’extrême droite se diffusent au quotidien.

de Félicien Faury (Seuil, 240 p., 21,50 €)

LES DÉSILLUSIONS DE LA DÉMOCRATIE

La critique interne de la démocratie est aussi vieille que la démocratie elle-même. Sa légitimité ne repose ni sur la tradition, ni sur la nature, ni sur une référence transcendantale, mais sur les pratiques de ses membres. Ceux-ci s’interrogent sur les écarts qu’ils observent entre les réalités sociales et les principes affichés. Inévitablement, ils jugent la démocratie, au nom de ses propres valeurs, comme pas assez démocratique ou comme trop démocratique. L’idéal de citoyens libres et égaux traitant rationnellement des affaires communes n’est jamais et ne peut jamais être pleinement réalisé. Et l’aspiration à la liberté et à l’égalité risque en permanence d’être dévoyée par le refus des limites et du contrôle. Cette interrogation, qui inquiète sur les insuffisances et les excès possibles de la démocratie « extrême », ne date pas du xxie siècle, mais, dans le monde d’aujourd’hui, elle se pose avec une acuité particulière.

de Dominique Schnapper (Gallimard, 288 p., 22 €)

NE M’APPELEZ PLUS JAMAIS GAUCHE 

Dans cet essai – écrit dans le style incisif qui le caractérise –, Jean-François Kahn s’attache à déconstruire les mécanismes et les paradoxes qui, selon lui, mènent la gauche vers sa propre destruction. Au-delà du pamphlet, ce livre est aussi un appel à la réflexion et une invitation urgente à repenser les fondements et les objectifs de la gauche. C’est un plaidoyer pour une refondation, pour que la gauche puisse se réinventer et retrouver sa pertinence dans le paysage politique contemporain.

de Jean-François Kahn (L’Observatoire, 192 p., 19 €)

NOUS AUTRES EUROPÉENS

Loin de n’être qu’observateurs du présent, Bruno Latour et Bruno Karsenti proposent un autre regard, une « sociohistoire », pour sortir de la crise actuelle de l’Europe : cette dernière ne peut se décrire correctement sans rappeler le sens exact des concepts modernes d’« individu », de « peuple », de « démocratie », et de « souveraineté ». Il s’agit en fin de compte d’appliquer à l’Europe la question posée par Bruno Latour dans l’un de ses derniers livres, « où atterrir ? », et d’aménager le retour à soi comme à un lieu consistant où s’éprouvent et se forgent nos attachements réels. Ainsi seulement pourra-t-on délivrer de l’Europe un portrait qui corresponde à l’expérience européenne en train de faire, par-delà la crise.

de Bruno Karsenti, Bruno Latour (Puf, 192 p., 16 €)

CONTRE L’EMPÊCHEMENT

À l’évidence, nous étouffons collectivement dans cet édifice qu’est la « société française ». C’est pourquoi nous avons besoin, sur tant de questions cruciales, d’inventer d’autres façons de faire, tant les programmes politiques n’y répondent plus. Il faut donc que nous trouvions individuellement et collectivement l’énergie d’agir. Mais comment ? Il faut décloisonner des mondes qui ne se parlent plus, faire naître une pensée, un langage et des projets communs, et trouver le moyen de « se désempêcher ». Cela exige de nous que nous débattions moins de principes que de questions précises et des choix associés, et que chacun trouve un rôle et une place dans le collectif agissant. Mais nous devons aussi faire la preuve que la liberté individuelle ne s’oppose pas à un sens concret du collectif.

de Nicolas Castoldi (CNRS Éditions, 200 p., 15 €, à paraître le 29 septembre)

LE PROPHÈTE ROUGE

Produire un monde meilleur, mais à quel prix ? L’utopie peut-elle s’incarner en une seule personne ? Dans une longue enquête pleine de rebondissements, Julie Pagis exhume l’histoire, ensevelie par le secret, des membres d’une communauté maoïste sur laquelle plane un fantôme. Elle éclaire d’un jour nouveau les ressorts du charisme, les mécanismes de la domination, le caractère structurel des violences, notamment de genre, derrière le silence ; des dérives qui transcendent les époques et les générations. Un moyen d’éviter que nos rêves ne se terminent fatalement dans le cimetière des utopies ?

de Julie Pagis (La Découverte, 340 p., 22 €, à paraître le 22 août)

LA DROITISATION FRANÇAISE

La France deviendrait conservatrice. C’est une évidence pour beaucoup d’intellectuels, de responsables politiques et de journalistes, et les résultats électoraux semblent leur donner raison. Pourtant, les citoyens français sont devenus beaucoup plus ouverts et progressistes qu’il n’y paraît. Face à cette situation paradoxale, Vincent Tiberj analyse comment offre politique et citoyens divergent. Il pointe l’importance de la manière dont on parle des inégalités sociales et des questions de société « en haut », qui vont à rebours des préoccupations et des valeurs d’« en bas ». Il met en avant la grande démission citoyenne face aux votes, aux partis, aux candidats. La droitisation est un mythe, mais suffit-il de le démontrer ? Parce que beaucoup d’acteurs y croient, alors il pourrait bien avoir de lourdes conséquences sur les équilibres politiques et l’avenir des Français.

de Vincent Tiberj (Puf, 144 p., 14 €, à paraître le 4 septembre)

DÉVASTATION

Le diable existe-t-il ? Si oui, il n’a jamais dû autant jubiler : « Ça va ! », chante-t-il sur l’air que Jacques Brel lui a dédié. Jamais en effet, entre bruits de bottes et feux d’artillerie, canicules et sécheresses ravageuses, bombardements et mégafeux dévastateurs, la planète n’a été autant en proie aux flammes, au sens figuré comme au propre. Ce livre est consacré aux processus de destructivité qui nous menacent tant individuellement que collectivement, aux forces qui pourraient emporter avec elles la vie sur Terre. Il est entièrement dédié à l’anatomie du mal, tant il est difficile d’en saisir l’esprit. Quelle peut en être la définition ? Quelles en sont les expressions les plus accomplies ? Quels en sont les modes de déploiement ? Enfin, quelles espérances raisonnables nous reste-t-il encore ?

de Dominique Bourg (Puf, 256 p., 18 €, à paraître le 4 septembre)

HANNAH ARENDT. PENSER CE QUI NOUS ARRIVE

Dans un essai magistral, à la tonalité narrative, la philosophe Bérénice Levet se propose de raconter Hannah Arendt, non pas l’histoire de sa vie, mais de ses conquêtes philosophiques. Raconter en effet, car l’écriture et la démarche d’Arendt sont uniques dans l’histoire de la philosophie, montre Bérénice Levet qui rend ainsi à l’œuvre ce qu’elle lui doit elle-même, son souffle, son énergie, sa dynamique.

de Bérénice Levet (L’Observatoire, 220 p., environ 20 €, à paraître le 11 septembre)

LA POLITIQUE À L’ENVERS

Depuis le début de la Ve République, la « comédie du pouvoir » semble obéir aux mêmes lois : institutionnalisation, professionnalisation, principes de vote inchangés… Rien ne change au sommet de l’Hexagone. Et pourtant, qui ne voit les changements à l’œuvre ? Les partis sont devenus des « mouvements », la « société civile » est convoquée à chaque instant, pendant qu’un populisme ordinaire, fait de dénigrements et d’autodénigrements, imprègne l’ensemble de la fabrique politique. L’accumulation de ces microchangements a du sens. Un renversement a bien lieu. Non sans lien avec les phénomènes Donald Trump ou Jair Bolsonaro, ce nouveau populisme présente des traits particuliers, ancrés dans une histoire politique bien française.

de Christian Le Bart (CNRS Éditions, 200 p., 20 €, à paraître le 12 septembre)

LE NŒUD DÉMOCRATIQUE

Comment des démocraties consensuelles dans leur principe peuvent-elles se montrer dysfonctionnelles dans leur exercice au point de susciter la frustration d’une grande part de leurs citoyens ? C’est la question à laquelle ce livre s’efforce de répondre. Cette crise paradoxale est un révélateur incomparable. Replacée dans une perspective longue, elle permet de repenser à nouveaux frais la nature et l’histoire de la démocratie à la lumière de ses problèmes d’aujourd’hui. Elle fait apparaître en particulier un niveau de l’organisation collective qui n’était pas discernable avant elle et qui éclaire la place que l’économie capitaliste est venue à prendre dans nos sociétés – ou plutôt que ces dernières lui ont conférée. Derrière le « mode de production » cher à Karl Marx, il y a un « mode de structuration » des sociétés, qui explique la difficulté d’être des démocraties, et qu’elles doivent apprendre à maîtriser.

de Marcel Gauchet (Gallimard, à paraître le 10 octobre) 

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