Le film traite des questions liées à la sensualité et à la sexualité. Pourquoi ces thématiques vous intéressent-elles ?
Ces thématiques m’intéressent de manière générale dans mon travail mais là c’était encore plus évident vu le lieu où ça se passe : un club de striptease pas comme les autres, ou en tout cas comme on n’a pas l’habitude d’en voir au cinéma. Il se trouve aussi qu’il y a vingt ans, j’ai fait mon dossier pour le concours de la Fémis (que je n’ai pas eu) sur le peep-show. Donc ça m’intéressait déjà à l’époque. Par ailleurs, j’ai une amie qui a commencé à bosser dans un club de strip il y a un peu plus de dix ans. J’ai commencé à avoir envie du film à partir de ses anecdotes, en rencontrant ses collègues et je me suis rendu compte de toutes ces idées reçues qu’on pouvait avoir et qui étaient complètement bousculées. Après, ce film est un gros travail de fiction, on ne peut pas dire que ce soit un film d’après des faits réels, mais plutôt d’après le réel.
Pour la question de la sensualité et de la sexualité, je pense qu’elle est dans tous mes films. Ou en tout cas, la question de la nudité n’est jamais très loin et c’est je pense dû à notre culture : on est bercés par des femmes nues, que ce soit dans des musées ou dans la publicité. J’ai donc un rapport à ces thématiques qui n’est pas libidineux, je trouve juste ça beau et simple. J’avais envie avec ce film que les femmes que l’on voit à l’écran ne soient pas objets mais vraiment sujettes. C’est un film qui se passe du point de vue des danseuses : on rentre avec elles dans le club et on est sur scène avec elles. Il n’y a pas tant de films que ça avec ce point de vue ou alors les personnages sont des femmes fatales, manipulatrices, ou bien victimes, ce qui n’est pas du tout le cas dans À mon seul désir. Ici, j’avais envie d’aller sur un terrain qu’on a beaucoup vu au cinéma mais d’une autre façon.
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Qu’est-ce qui vous a séduite chez Louise Chevillotte et Zita Hanrot pour incarner les personnages d’Aurore et Mia ?
La première à qui j’ai proposé un rôle, c’est Zita. Je l’avais rencontrée sur le casting de Chanson douce (2019) pour lequel on avait fait des essais ensemble. Elle n’a pas fait le film mais j’avais tout de suite vu ses talents d’actrice et le fait qu’on pourrait avoir du plaisir à travailler ensemble. Ça m’a beaucoup inspirée et donc à partir de là, j’ai commencé à développer le personnage de Mia pour elle. Quand je lui ai proposé le scénario, elle a mis du temps à me donner une réponse mais quand elle m’a dit oui, elle avait bien réfléchi et avait vraiment envie. À partir du moment où elle s’est engagée sur le film, j’ai cherché qui allait être l’autre membre du duo pour qu’il soit le meilleur possible. Louise, c’est une actrice que j’avais repérée dans les films de et de Nadav Lapid. Elle a lu le scénario très vite et a tout de suite eu envie de le faire. C’est donc le duo Louise-Zita que je trouvais le plus intéressant possible, en termes de corps, de présence physique, mais aussi d’énergie. Les deux personnages ensemble sont très forts et complémentaires puisqu’ils ont des choses à s’apprendre, et c’est d’ailleurs là que résident le mystère et l’excitation. Pour moi, en termes de féminisme, c’est très important qu’on puisse proposer d’autres modèles de relations, qui ne soient pas seulement fondés sur la fascination et/ou la domination.
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Comment s’est déroulé le travail préparatoire pour les scènes nécessitant de la nudité ?
Ça a commencé dès le premier rendez-vous avec les actrices où on a décidé ensemble de ce qui allait être vu ou non. J’ai également demandé au chef-opérateur d’engager si possible que des femmes, ce qui, je pense, a rendu le tournage plus agréable pour les actrices. Ça faisait un plateau très doux, très calme et bienveillant, ce qui je pense se ressent dans le film. Après, on a fait une résidence d’une semaine avec Zita, Louise mais aussi les rôles secondaires, où on a préparé la partie spectacle. C’était une sorte d’endroit de recherches ; chacune a pu trouver “sa stripteaseuse”, essayer des costumes, découvrir des musiques etc…
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Pour ces scènes, où avez-vous placé la limite entre ce que les spectateurs doivent voir et ce qui nécessite de faire appel à leur imaginaire ?
C’était une question très importante que l’on s’est posée dès les premières versions du scénario. Je ne voulais pas que le film soit choquant ou pour un public de niche. Les scènes les plus trash sont au début du film, pour éviter que l’on croit que c’est les bisounours ou qu’il ne se passe rien dans ce club. Ça reste un endroit lié au travail du sexe, ce sont des clients et pas seulement des spectateurs. Ensuite, j’ai l’impression que plus le film avance, moins on voit des corps, on voit surtout d’autres personnages, ce qu’ils peuvent vivre. Et je crois que ce parti-pris est réussi donc j’en suis très contente. Mais c’est vrai que comme on continue de dérouler l’histoire dans cet endroit, il y a beaucoup de choses qui se passent hors champ ou qui sont à la limite. Le film n’est pas du tout pornographique, il n’y a pas non plus d’images dégradantes ou choquantes même dans ce début. Simplement, il était bien de dire, « voilà, c’est ça la réalité du travail ». Et d’ailleurs par la suite, le film sort complètement du cadre de ce lieu pour raconter une histoire plus particulière.
À mon seul désir de Lucie Borleteau, Pyramide Distribution (1h57), sortie le 5 avril
Images (c) Pyramide Distribution