Florian Bardou : «  La nuit, c’est la marge, les souterrains, des constructions fantasmatiques »

[DANS LA FÊTE] Journaliste à Libération, Florian Bardou invite des personnalités vivant pour et par la nuit dans sa chronique hebdo « C’est reparty ». Il s’inspire aussi du clubbing queer dans son magnétique recueil de poésie « Les garçons, la nuit, s’envolent » (Lunatique, 2023).


b7252c09 b74d 4c1d b500 c590705f88e7 florianbardou

Cet article fait partie du dossier DANS LA FÊTE, publié dans le magazine n°199. Retrouvez tous les autres en suivant ce lien.

Comment as-tu imaginé la rubrique nuit « C’est reparty » que tu tiens dans Libé ?

J’ai un pied dans ce monde – pas les deux, j’alterne entre des moments de fascination et des moments de répulsion, j’ai besoin de me reposer puis d’y revenir. Depuis la fin du Covid, j’y suis beaucoup revenu et j’ai eu un déclic. Ce n’est pas un sujet journalistique tellement traité en presse généraliste. Pourtant, ça charrie un nombre important de réflexions autour du corps, de la sexualité, de la danse, des rapports économiques, des addictions, de l’architecture… Je ne voulais pas faire la même chose qu’Éric Dahan, qui dans sa chronique « Nuits blanches » dans Libé racontait ses sorties nocturnes dans les années 1990. Mon idée, c’était de donner la parole, une fois par semaine, aux gens qui vivent la nuit ou en vivent. Et de raconter cette nuit à travers des bribes de récits, des objets, des lieux, des musiques…

Tu approches aussi la nuit en tant que poète. Tu cherches à retrouver des états fugaces, des ambiances, des émotions ?

La fête étant une partie de ma vie, c’était forcément une matière de laquelle je sentais que je pouvais tirer des instants extrêmement poétiques. Je fonctionne par instantanés, par sensations, émotions. J’essaye de saisir des instants vécus et de les retransmettre, dans leur côté à la fois intemporel et très ancré. C’est une matière très riche, car elle est pétrie d’imaginaire. La nuit, c’est la marge, les souterrains, des constructions fantasmatiques.

Tu as aussi performé ta poésie, nu, en club. Quel souvenir tu en as ?

J’ai performé dans une soirée gay, Mustang, et au club queer L’Œil, à l’invitation de l’association Nu2. Ce que je trouve intéressant, c’est d’amener de la poésie dans un espace qui n’est pas dévolu à ça. D’essayer aussi de montrer aux personnes qui fréquentent ces lieux qu’on peut tirer autre chose de ces instants de vie qui se consument et se consomment, un acte créatif. Ça crée un instant de parenthèse dans la fête. Peut-être que ça peut susciter une autre manière de la vivre. C’est intéressant : qu’est-ce qu’on sème dans les têtes ? Quels rapports cela va-t-il créer à la danse, au partage, pour certains à la défonce, à la séduction ?

Portrait : (c) Xavier Héraud