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Christophe Honoré : « Tout se serait effondré si j’avais choisi quelqu’un d’autre pour incarner le metteur en scène. »

  • Quentin Grosset
  • 2021-09-08

L’été dernier, malgré le Covid et la fermeture des théâtres, Christophe Honoré et la troupe de la Comédie-Française décidaient de poursuivre les répétitions d’une pièce inspirée du troisième tome d’A la recherche du temps perdu de Marcel Proust – et surtout de raconter cette expérience dans un film, Guermantes, en salles le 29 septembre. En résulte une autofiction libre et indisciplinée sur Proust, les acteurs et le désir de créer, où le cinéaste se demande comment l’art peut répondre à cette morne période, cherchant du côté de la désinvolture, de la sensualité, de la contradiction ou de l’inachèvement. Rencontre.

Au moment du premier confinement, vous déclariez dans un entretien au Monde que la période du Covid-19 serait forcément stérile et néfaste artistiquement. Pourtant, il y a ce film.

En mars 2020, le monde s’arrêtait, mais les artistes devaient produire. Il y a eu les journaux de confinement par les écrivains ; aux cinéastes, on demandait de faire des petites vidéos… Tout ça me déprimait encore plus que de rester enfermé chez moi. Comme si ce temps d’isolement, c’était l’idéal pour les artistes. Pour moi, cette maladie n’avait aucun sens, il n’y avait aucune raison que ça me fasse créer.

Après, il y a eu le déconfinement, et j’ai voulu reprendre les répétitions du Côté de Guermantes en espérant que la pièce se joue en septembre [ce qui a finalement été le cas pour quelques représentations avant le deuxième confinement, ndlr]. Mais la Comédie-Française recevait des signaux contradictoires du ministère de la Culture, et Éric Ruf [l’administrateur général de l’institution, ndlr] m’a dit que non, on n’allait pas reprendre. Le décor a quand même été monté au Théâtre Marigny, et il m’a proposé de faire une captation. Je lui ai répondu que je préférais créer quelque chose qui raconterait la situation dans laquelle on était. Ce n’est pas tant que le film naît de cette situation, j’essaye plutôt d’y formuler une réponse.

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Comment avez-vous composé avec la part d’imprévu liée à ce film ?

Au cinéma, c’est la première fois que je fais autant appel à l’imprévu. En revanche, au théâtre, c’est vraiment ma manière de fonctionner, j’ai donc transposé cette méthode. Mon spectacle Les Idoles [créé en 2018, ndlr.] s’est vraiment construit comme ça. On commence par une impro que je filme, on en discute, on la refait, et le soir avec mes assistants je la retranscris. De là, je compose un texte que je leur fais retravailler le lendemain. 

On avait trois semaines pour préparer ce film, alors j’ai posé cette question aux acteurs : qu’est-ce que tu aimerais qu’on raconte de toi ? L’un d’eux m’a répondu : « J’aimerais faire envie », un autre m’a rapporté une histoire au sujet d’une fille… J’ai essayé de structurer des mini-fictions sur chaque membre de la troupe autour du récit de l’empêchement du spectacle.

« Pour moi dans la littérature française, rien n’est plus haut que La Recherche. »

En 1998, un de vos livres pour enfants s’intitulait déjà L’Affaire P’tit Marcel. Depuis quand Proust vous accompagne-t-il ?

Même dans mon tout premier livre pour enfants, Tout contre Léo [sorti en 1996, ndlr], j’avais choisi d’appeler le narrateur Marcel. Évidemment, à l’époque, personne n’avait fait le lien, ça serait paru insensé pour un livre jeunesse. Proust, je l’ai rencontré quand j’étais étudiant. C’était une lecture secrète, que je n’avais pas envie de partager.

Quand j’ai commencé à faire du cinéma, après 30 ans, je l’ai relu et je me suis mis à lire beaucoup d’écrits sur lui, ceux de Gilles Deleuze, Samuel Beckett… Et je m’y suis encore replongé de manière détaillée quand Éric Ruf m’a proposé de monter un spectacle à la Comédie-Française, non pas dans la salle habituelle du Palais-Royal, qui était en travaux, mais au Théâtre Marigny. J’ai tout de suite relié cet endroit, et les jardins des Champs-Élysées autour, à l’épisode de la mort de la grand-mère dans Le Côté de Guermantes. J’ai proposé à Éric de faire un spectacle autour de ce troisième volet. Il m’a dit que ce serait super, que plein de metteurs en scène ont essayé puis renoncé.

Pour moi dans la littérature française, rien n’est plus haut que La Recherche. Et je trouve qu’on a une chance folle, parce que c’est un livre relativement contemporain. C’est fou parce qu’en Angleterre Shakespeare est sans cesse réinterrogé par la culture contemporaine. Alors que Proust, en France, pas tant que ça.

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Guermantes ©Jean-Louis Fernandez

La Recherche évoque un désir d’écriture longtemps empêché, celui du narrateur. Guermantes raconte comment un metteur en scène et sa troupe sont aussi entravés dans leur création.

On y a tous pensé, car les comédiens s’étaient aussi plongés dans La Recherche. La question de la création y est toujours décalée, retardée, et du coup c’est un peu la structure narrative du film. Maintenant, comme on sait que le spectacle a finalement eu lieu, qu’il a été de nouveau interrompu [par le deuxième confinement, ndlr.], la fiction est un peu contredite par le réel. Mais à cette époque-là, au milieu de l’été l’année dernière, on se disait qu’on était en train de créer quelque chose de fantôme.

« Proust au cinéma, ça pourrait se traduire par un plan large qui donne la situation, et soudain des inserts qui viendraient casser le rythme. »

Le film prend quelque chose du style agité de Proust, de sa façon de fouiller, de digresser.

Ce qui est très agréable quand tu n’as pas de scénario, c’est que tu n’as pas tes plans à prévoir. Sur une journée de tournage classique, tu sais que tu vas faire tel plan pour telle réplique, tourner ensuite le plan qui donne l’action de la séquence… Dans mes fictions, j’ai plutôt tendance à resserrer, à être dans l’ellipse, à me méfier des plans inutiles. Là, le film se permet de déplier beaucoup plus. En fait, la phrase de Proust au cinéma, ça pourrait se traduire par un plan large qui donne la situation, et soudain des inserts qui viendraient casser le rythme. Et au sein des inserts, il y aurait d’autres inserts encore plus microscopiques.

Dans La Recherche, il y a un passage où le narrateur aperçoit trois arbres et il n’en voit plus la beauté, il se dit alors qu’il ne pourra jamais écrire. Ça vous est déjà arrivé, ce genre de découragement ?

Je ne sais pas s’il existe des catégories de cinéastes, les optimistes et les découragés, mais si ça existe je fais clairement partie des découragés. On a toujours besoin de croire à l’épiphanie que la caméra pourrait capter. Or, ce n’est pas ça le cinéma. C’est justement une fabrication, l’épiphanie vient après, dans la collure entre deux plans. C’est ça qui est compliqué : à quel moment on fait un cinéma de carte postale, avec des petits moments de beauté qui se suivent ?

Je crois que la force d’un film, c’est d’être un organisme vivant. Cette question de la beauté à fabriquer, à saisir, à espérer, à provoquer sur un plateau de tournage est une préoccupation constante chez moi. Et au fil des films, j’ai fini par admettre que cette beauté est toujours perdue en tant que beauté inédite. Je veux dire qu’expliquer sur un plateau à une équipe les conditions de fabrication, de révélation d’une beauté, fait alors de cette beauté visée un lieu commun. Immanquablement. Elle perd de sa valeur à être envisagée comme un objectif. Elle devient élucidée et donc cliché.

Dans La Recherche, un écrivain tombe raide mort devant la beauté d’un détail infime d’un tableau de Vermeer. À quel point vous projetez-vous dans cet épisode du « petit pan de mur jaune », par lequel Proust exprimait tout son art ?

Pour moi, un film peut valoir pour quatre secondes d’un plan. Ces quatre secondes peuvent suffire à me faire aimer un film, à me faire décider que, quoi qu’il arrive, j’en serai l’allié. C’est ce plan de la ville d’Akron qui scintille au lointain dans Inside Llewyn Davis des frères Coen. Quand Llewyn Davis rentre de son audition ratée avec Grossman, il est pris en auto-stop, et le chauffeur lui demande de prendre le volant pour pouvoir dormir. C’est la nuit, il neige. Ce plan est comme une éventualité amoureuse. Prendre la sortie, faire du film un autre film, et, finalement, non.

Dans votre roman autofictionnel Le Livre pour enfants (2005), vous écriviez : « Je n’ai jamais construit qu’un seul personnage, dans mes fictions adultes et enfants, celui du narrateur homosexuel, qui ne revendique rien, jamais ne justifie ses désirs, prétendant être ailleurs, dans l’écriture, alors que seuls ses désirs vous concernent. » Cette phrase est très vraie par rapport à Guermantes, non ?

Ce qui est sûr, c’est que c’est la première fois que je ne passe pas par un double de fiction. Ce n’est tellement pas ma nature de me filmer – mais là, je n’avais pas le choix. Tout se serait effondré si j’avais choisi quelqu’un d’autre pour incarner le metteur en scène. Pour moi, ça s’inscrit dans une recherche autour de l’autofiction. J’ai commencé par mon livre Ton père [paru en 2017 au Mercure de France, ndlr], puis il y a eu mon film Plaire, aimer et courir vite [sorti en 2018, ndlr] et ma pièce Les Idoles [montée en 2019, ndlr]. 

Dans ce film, je voulais pouvoir me reconnaître et en même temps je suis comme les autres acteurs du film, j’essaye de ne rien me voler. Comme je n’étais pas dans une période très légère – c’était un été assez épouvantable –, j’ai tenté d’amener le film vers une sensualité légère, avec le groupe qui emporte une espèce d’énergie.

Mais, pour le coup, j’ai l’impression que Guermantes est un portrait du metteur en scène dans un grand isolement. Ça parle de solitude, d’incompréhension, du fait d’essayer de faire croire à des gens que le travail peut aider, sans en être au fond si convaincu que ça. C’est une manière aussi de répondre à ce médecin qui m’a contacté [et qui apparaît dans le film dans une scène de discussion avec Christophe Honoré au café de la Comédie-Française, ndlr] et qui voulait que les artistes viennent filmer dans les hôpitaux. C’est une manière non pas d’échapper à ce qu’il voulait que je filme, mais d’essayer de dire tout le côté dérisoire de notre fonction. C’est un peu dangereux, dans ce genre de moments, pour les gens qui écrivent, qui font des films, de se prétendre prophètes.

Comment avez-vous appréhendé cette séquence très intime dans une scène de lit chez vous, avec l’un des acteurs de la troupe, Mickael Pelissier ?

Pendant qu’on a tourné ce film, je déménageais. Le soir, je suis arrivé dans mon nouvel appartement et on a tourné cette séquence avec Mickael. Je voulais être vrai sur ce qui m’arrivait à ce moment-là. Pas vrai par rapport à Mickael – c’est juste que je me souvenais de la lettre que Godard avait envoyée à Truffaut après avoir vu La Nuit Américaine. Godard lui reprochait de ne pas avoir monté la séquence où Truffaut [qui se mettait en scène dans le film, ndlr.] sort de la chambre de Jacqueline Bisset. Comme si tout le monde couchait dans son film sauf le metteur en scène.

Donc, comme mon film a un côté La Nuit américaine version théâtre, je me suis dit, « il faut absolument que le metteur en scène couche ». Donc j’ai demandé à Mickael s’il voulait bien jouer cette fiction-là. C’était une scène très étrange pour moi. C’est déjà bizarre de se filmer, et un peu plus encore dans cette intimité avec un acteur avec lequel je travaille. Du coup, on a beaucoup rigolé. C’est ça qui était intéressant, c’est que ça me plaçait dans une vulnérabilité qui n’est pas forcément l’endroit où l’on est quand on est cinéaste.

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Jean-Luc Lagarce, une de vos idoles, avait écrit une pièce intitulée Nous, les héros, dans laquelle on trouve des motifs présents dans votre film : la grande table, la nuit passée dans un théâtre, la question « comment et pourquoi continuer ? ». Vous y avez pensé ?

Lagarce a été très important pour moi au moment où j’ai pensé Les Idoles et où j’ai écrit Plaire, aimer et courir vite. Il a un peu pris le pas dans mon imaginaire sur d’autres écrivains qui comptaient plus que lui quand j’étais plus jeune. Pour Guermantes, j’ai effectivement pensé à Nous, les héros. C’est assez drôle parce que je l’ai même relue après en me disant que je me sentirais peut-être capable de mettre en scène une de ses pièces, un jour. Mais franchement, je suis un peu perdu en les lisant, il y a quelque chose qui me semble déjà un peu daté dans l’écriture. Je n’y trouve pas toujours la force qu’a pour moi son journal, que j’adore lire et relire.

« On fait des films, on écrit des livres, parce qu’on ne sait pas parler aux gens. »

Dans une scène, vous dites à la troupe que vous n’aimez pas assister aux représentations de vos spectacles, que vous avez le sentiment de ne pas pouvoir partager quelque chose d’aussi intime avec des spectateurs que vous ne connaissez pas. Pour qui créez-vous alors ?

Oui, c’est vrai. Je me sens absolument exclu par les acteurs. J’ai l’impression que je n’ai aucune place, ou qu’elle est incongrue, obscène. Au cinéma, on ne peut pas dire non plus que j’ai un grand goût des présentations, des débats, c’est plutôt une épreuve… Je vois bien ce que ça a de dégoûtant de dire ça. Ça tendrait à dire que je n’ai pas de rapport avec les spectateurs. Mais en même temps je crois que, film après film, livre après livre, on finit par se créer une espèce de compagnie avec des spectateurs qui ont une petite idée de qui on est. Des gens qui auraient vu Plaire, aimer et courir vite, iraient voir Guermantes, auraient lu Hervé Guibert, un peu Proust, connaîtraient Madame de Sévigné…

Je vois bien ce que ça peut avoir d’incroyablement élitiste, comme un truc d’élection. Carax disait un truc comme ça… Qu’il faut faire les films comme si on était morts après. J’aime plutôt cette idée-là. On fait des films, on écrit des livres, parce qu’on ne sait pas parler aux gens.

Vous avez manifesté votre regret de ne pas appartenir à un groupe d’artistes, comme le Nouveau Roman ou la Nouvelle Vague. Vous ne trouvez pas ça avec une troupe de théâtre ? C’est ce qui vous a mené récemment à créer votre propre compagnie, le Comité dans Paris ?

Tout à fait. Mais faire groupe avec des acteurs, ce n’est pas pareil que faire groupe avec des metteurs en scène ou des écrivains, pour réfléchir ensemble. On réfléchit évidemment avec les acteurs, mais ils sont un peu en attente que le metteur en scène leur donne quelque chose. Et, ça, ça restera une frustration pour moi, de ne pas avoir été dans une période esthétique où il y a une avant-garde. Après, ça appartient à une injonction de l’époque qui ne veut absolument pas que les gens fassent groupe. Ni d’un point de vue politique, ni syndical, ni artistique, l’époque dit sans cesse que le groupe est néfaste, parce que le groupe a une force que l’artiste solitaire n’a pas.

Vous avez dit que c’était Béatrice Dalle sur le tournage de 17 fois Cécile Cassard qui vous avait fait comprendre que votre rôle de cinéaste consisterait avant tout à aimer les acteurs. Comment ça s’est passé avec cette troupe ?

En tout cas, je ne me suis jamais approché aussi près d’acteurs. Le fait d’avoir vécu cet empêchement, ça crée des liens étranges. C’est comme une histoire d’amour, quand on ne peut pas la vivre, elle est plus intense. Pendant le premier confinement, je leur ai beaucoup écrit de mails, je leur disais de regarder Proust. L’Art et la Douleur, le documentaire de Guy Gilles, je leur envoyais des playlists débiles. J’étais comme une plateforme de streaming à moi tout seul, pour les garder en éveil.

Je pense que c’est ce que raconte le plus le film. Je leur ai demandé de regarder trois films : L’État des choses de Wim Wenders, French Cancan de Jean Renoir et Somewhere de Sofia Coppola, qui sont pour moi trois grands films sur les acteurs. Sofia Coppola, c’était pour l’idée de la passivité : qu’est-ce qu’un acteur qui ne travaille pas ? Renoir, c’était l’utopie. Et Wenders, c’était l’idée que les acteurs nous protègent de la mort.

Dans le documentaire Proust. L’Art et la Douleur de Guy Gilles, le cinéaste filme son acteur Patrick Jouané sur les traces de Proust – ce qui lui permet surtout de saisir quelque chose de leur rapport amoureux. C’est aussi un peu votre démarche.

Je crois que je n’aime que les cinéastes qui aiment les acteurs. Dès que je sens dans un film que ce n’est pas clair, que ce n’est qu’une question de pouvoir, ça me déprime trop. Ce film de Guy Gilles est dément. Il m’a beaucoup aidé à oser faire Guermantes. C’est un vrai grand film sur Proust, mais pas sur sa vie, c’est plus comme une recherche. Les acteurs me demandaient : « Pour toi, qui a le mieux adapté Proust ? » Je leur répondais : « Duras, avec India Song. » Proust est présent dans des films français qui ne prétendent pas être des adaptations. Dans India Song, de la même manière que Proust fait resurgir un monde passé d’une madeleine trempée dans une tasse de thé, Duras en fait resurgir un par la voix. Son travail de désincarnation sur la voix décalée de l’image me semble être très proustien.

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Dans ABCD Honoré, l’événement que le Forum des images vous consacre à la rentrée, vous programmez La Bande des quatre de Jacques Rivette. Dans ce film, la metteuse en scène jouée par Bulle Ogier dit qu’elle est là pour apprendre « le doute et la démolition » à ses actrices.

 J’ai adoré ce film à sa sortie, j’étais étudiant à Rennes, je me souviens très bien de l’après-midi où je l’ai vu au cinéma Arvor. Je ne me reconnais pas dans « le doute et la démolition », il y a trop de pouvoir en rapport avec les acteurs. La question du doute, oui, elle est intéressante. C’est très important de les amener vers quelque chose d’incertain, de leur dire qu’ils ne doivent rien savoir d’eux-mêmes.

La démolition, c’est un jeu qui peut exister, car les acteurs sont des gens qui acceptent d’être manipulés. Mais la manipulation, ça peut entraîner des choses qui très vite déplacent sur un autre terrain. Pour moi, c’est important que le metteur en scène délimite d’une manière précise la frontière de la fiction et du réel. Et quand cette frontière est claire, on peut aller très loin dans la fiction. Mais j’ai l’impression que le metteur en scène, lui, c’est la personne qui ne doit ni douter, ni démolir.

Quel élan vous a donné cette visite chez Proust ?

 Ça m’encourage à ne pas viser les grandes œuvres, étrangement. J’ai fait un certain nombre de films, et la tentation, c’est de dire : maintenant il est temps de faire des grands films. Mais je ne crois pas que ce soit là où se joue le cinéma d’aujourd’hui. C’est très étrange parce que Proust, c’est une addiction aussi, c’est un peu un roman qui se suffit, c’est dur d’aller lire d’autres choses après. Il faut aussi savoir s’en détacher, mais ça me réconforte beaucoup et surtout ça m’oblige. Chez Proust, il y a cette idée sur la beauté, le fait qu’on peut y arriver avec des moyens insensés et inconnus, parfois avec une simplicité folle.

: Guermantes de Christophe Honoré, Memento (2 h 19), sortie le 29 septembre

Portrait : © Paloma Pineda pour TROISCOULEURS

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