ÉDITO
« Si on vous gêne, n’hésitez pas à le dire. » Le 30 septembre, ce tweet de la réalisatrice Audrey Diwan résumait bien le sentiment qui nous étreignait à la vue de la couverture du Film français, hebdomadaire destiné aux professionnels du cinéma. À l’occasion du 77e congrès de la Fédération nationale des cinémas français, qui réfléchissait notamment aux moyens de contrer la baisse de fréquentation des salles, le magazine publiait, sous le titre « Objectif : reconquête ! », la photo de sept personnalités du cinéma – tous des hommes.
Si on vous gêne, n’hésitez pas à le dire pic.twitter.com/e0fEZwuGrb
— Audrey Diwan (@AudreyDiwan) September 30, 2022
À la suite de la polémique suscitée par cette une, le Film français a regretté un choix « malheureux » sur Twitter. Interrogée par le Huffington Post, Audrey Diwan, qui a gagné le Lion d’or à Venise en 2021 pour son film L’Événement, notait : « On ne cesse d’avoir à l’idée que retrouver le public, c’est se réinventer, changer de formes de narration, ouvrir les bras, renouveler les images. » Cinq ans après #MeToo, on ne peut pas penser l’avenir du cinéma sans les femmes. Le hashtag, qui a permis une prise de conscience du caractère systémique des violences misogynes, a aussi amorcé un renouvellement des récits, des représentations.
Dans ce numéro, on s’est penchés sur la manière dont les films contemporains prennent le pouls de ces changements sociétaux profonds, à travers l’exemple précis des féminicides. Comment filmer ces violences ? Où placer la caméra ? Quelles questions éthiques se posent les cinéastes ? Plusieurs nous ont répondu, de Dominik Moll ( sortie l’été dernier) à Patricia Mazuy, , qui déconstruit férocement les mécanismes d’une violence masculine transmise de père en fils, sort en salles le 26 octobre.
En novembre, c’est la cinéaste Alice Diop qui sera en couverture de TROISCOULEURS (en salles le 23 novembre), choisi pour représenter la France aux Oscar. Après plusieurs documentaires qui travaillaient de façon intime les notions d’universalité, de périphérie, d’exil, de transmission, elle revient sur une affaire d’infanticide pour sonder les mystères de la maternité et de la parole. Mi-septembre, à la Mostra de Venise, elle a reçu pour ce film le Lion d’argent et le Lion du futur, ponctuant son discours d’un puissant : « Nous ne nous tairons pas. » Juliette Reitzer