La virilité conquérante et les confiseries ne sont pas antinomiques. Au moins dans les peintures de Will Cotton, exposées à la Galerie Templon, dans lesquels les cow-boys lévitent, lassos à la main, sur fond d’horizon rose poudré. Pourtant, l’unheimliche rode sous l’onirisme pastel ; quelque chose a l’air de gâter ces visions sucrées : les cow-boys sont désarçonnés, les licornes se détachent d’un fond noir, révélant sous les apparences, leur véritable nature de créatures issues des ténèbres.
L’hyperréalisme des figures nous trompe : cet univers où les personnages arborent de grands sourires tout en appuyant sur la gâchette n’existe pas, pas plus qu’une licorne bondissant dans les nuages ou une cow-girl sexy plantée sur des gâteaux. Seuls demeurent les clichés qui nourrissent le mythe américain (la conquête via le western, le plaisir via le sucre), que le peintre écorne, à travers des peintures à l’huile dont la patine photoshopée redouble l’illusion : le medium lui-même, au-delà des situations rêvées qu’il figure, nous invite à douter. A sentir, sous la légèreté pop, doucereuse, l’arrière-gout amer du mirage.
Démarche explicitement uchronique chez Vincent Fournier : l’artiste imagine, au cœur de l’écrin plein d’âme (animale) du Musée de la Chasse et de la Nature, les récits parallèles qui, en matière d’évolution du vivant et de conquête spatiale, auraient pu se produire. Des chimères de notre temps (cerfs célestes aux ramures translucides, panthères-constellations, chat-trou noir ouvrant le portail de l’espace-temps) dialoguent avec les présences empaillées du Musée. Une biologie poétique, qui envisage avec une beauté trouble l’avenir du vivant.
Image : « Baleine Fantôme » de Vincent Fournier
Vincent Fournier, Uchronies, du 11 avril au 17 septembre 2023 au Musée de la Chasse et de la Nature
